Ticker du 10 juin 2022

d'Lëtzebuerger Land du 10.06.2022

Moët & MDMA

Ressurgit cette semaine la polémique de la contamination à la MDMA (psychotrope servant à produire l’ecstasy) de Jéroboams de champagne Moët & Chandon. Un mort et une dizaine de malades en Allemagne et aux Pays-Bas avaient été signalés au mois de février à cause de l’infection de tout ou partie d’un lot de ces bouteilles de trois litres « Imperial Ice » (qui se consommeraient avec des glaçons. Photo : Moët & Chandon). Un deuxième lot est concerné cette semaine, apprend-on des autorités sanitaires belges et le Luxembourg est concerné. En effet, comme l’indique un communiqué du Commissariat du gouvernement à la Sécurité alimentaire, un distributeur luxembourgeois a acheté des bouteilles de ce lot. Il s’agit de Caves Wengler. « Nous avons acheté onze bouteilles de ce lot produit en septembre 2018 directement auprès du producteur et sans intermédiaire. Le trajet entre la Champagne et la Moselle n’a pas connu d’interruption. Il n’est donc pas possible que nos bouteilles aient été trafiquées », explique au Land Charline Wengler, responsable marketing.

Le producteur Moët Hennessy (groupe LVMH), qui a alerté les autorités néerlandaises, n’explique pas comment la drogue a pu se retrouver dans ces bouteilles de champagne contaminées, manifestement toutes achetées en ligne. Une enquête est menée par les autorités allemandes pour déterminer de quels sites proviennent les bouteilles et confirmer l’acte criminel. Charline Wengler précise que la liste des clients a été transmise à la police pour les besoins de l’enquête. « Ceux qui auraient encore des bouteilles en leur possession peuvent venir les échanger. Une personne a déjà fait cette démarche », relate-t-elle encore. Le site Champmarket vend ces bouteilles de trois litres au prix de 390 euros. fc/pso

Sanctions Joe

Dans un affidavit signé le 6 juin, l’agent spécial du FBI chargé du groupe d’enquêteurs sur le crime organisé en Eurasie, Adam Fowler, soutient la demande de saisie de deux jets appartenant au milliardaire russe Roman Abramovitch, visé par les sanctions. L’un des deux avions, un Gulfstream G650ER, porte l’immatriculation LX-RAY (photo : DOJ), celle du Luxembourg. Le FBI reproche à ces avions de fabrication américaine d’avoir été réexportés en Russie sans l’accord des autorités américaines alors même que de tels produits requièrent une autorisation d’export dans le cadre des sanctions contre le régime de Vladimir Poutine. Les registres de vol en ligne attestent que l’avion a atterri à Istanbul, Tel Aviv puis Moscou (pour y rester) depuis l’application des sanctions.

L’agent du FBI détaille la chaîne de détention qui mène au Grand-Duché. En mars 2020 après sa construction aux États-Unis à Savannah, le Gulfstream a été vendu pour soixante millions de dollars à la société Clear Skies Flights Limited, un entité offshore basée à Jersey. Le nom du bénéficiaire économique à cent pour cent de l’avion apparaît dans la documentation de cette transaction. Les représentants de l’oligarque avaient pour adresse professionnelle le siège du football club de Chelsea qu’Abramovitch possédait alors. Une autre société de Jersey détient Clear Skies : Wotton. Et toutes les parts de cette société sont logées dans un trust chypriote. Mi mars, l’avion apparaissait au registre de la Direction de l’aviation civile (DAC). L’avion est exploité par Global Jet Luxembourg. (Est également visé un Boeing 787-8 appartenant à Roman Abramovitch. Luxair exploite un avion de ce type. Il transporte 190 passagers. L’avion a voyagé plusieurs fois entre Moscou et Dubai où il stationne depuis mars.)

Figurent deux autres aéronefs appartenant à Clear Skies : un Bombardier (LX-LUX) et un autre Gulfstream (LX-GVI). LX-RAY et LX-LUX sont toujours inscrits au registre luxembourgeois, mais leur opérateur, Global Jet, a suspendu leur exploitation le 15 mars, apprend-on auprès de la DAC. LX-GVI a été radié et exporté aux États-Unis en septembre de l’année dernière.

La direction de l’aviation civile a radié deux autres jets opérés par Global Jet Luxembourg et appartenant à des hommes proches du Kremlin : l’un à Alisher Usmanov (sidérurgiste qui s’était aligné pour reprendre Arcelor en 2006) et l’autre à Igor Shuvalov (ancien Premier ministre). 

Un autre jet immatriculé au Grand-Duché appartient à Evgeny Shvidler, un proche de Roman Abramovitch et sanctionné de ce fait. Il s’agit d’un bombardier immatriculé LX-FLY. La DAC indique au Land qu’il fait l’objet d’une rétention de la part des autorités britanniques à Londres-Farnborough. pso

Sanctions Yuriko

4,3 milliards d’euros d’avoirs bancaires et de valeurs mobilières ont été gelés en application des sanctions européennes contre les personnes liées à l’agression russe en Ukraine, a informé le ministère des Finances mardi. « Ces chiffres ont été présentés le 7 juin 2022, à l’occasion d’une réunion extraordinaire du Comité de suivi sous la présidence de Yuriko Backes, ministre des Finances », indique le communiqué de la rue de la Congrégation alors que la ministre libérale communiquait, via les réseaux sociaux, sur son déplacement à Londres (photo : minfi) où elle resserrait les liens avec la City. Renseignement pris auprès de la rue de la Congrégation, la réunion sur le suivi des sanctions avec les fonctionnaires des ministères et des autorités se serait tenue via Webex. Le ministère des Finances explique que l’augmentation de 70 pour cent des avoirs gelés entre fin mars et début juin tient à « l’élargissement du nombre d’entités et de personnes désignées par l’UE dans les nouveaux paquets de sanctions ». Les montants évoqués en mars avaient suscité le doute sur les bancs de l’opposition, notamment auprès de Laurent Mosar. Le député chrétien-social et avocat d’affaires s’était interrogé sur la définition du périmètre du gel et notamment sur l’intégration ou non des titres détenus par les soparfis des personnes physiques et morales concernées par les sanctions (d’Land, 1.4.2022). Les recherches effectuées par le Luxembourg business Register avaient en mars identifié 86 sociétés en rapport avec onze personnes physiques. Le ministère des Finances évoque simplement cette semaine (après avoir corrigé) 90 sociétés en rapport avec 1 100 personnes sanctionnées. Le Conseil européen vise très précisément 1 175 personnes physiques et 101 personnes morales. pso

Flying is the new meat

Dans un communiqué publié la semaine passée, Luxair a rappelé sa promesse d’accéder à la neutralité carbone d’ici 2050. Depuis mars, la compagnie nationale de transport aérien passager a acheté des crédits-carbone pour compenser les émissions de CO2 pour les vols de la classe affaires et vols des forfaits Excellence réservés avec LuxairTours. « Cette compensation prend la forme d’une contribution par Luxair à des projets certifiés visant à développer la gestion durable des énergies renouvelables, la conservation des forêts en Asie du Sud-Est (…) et à accompagner la filière de foyers de cuissons améliorés au Rwanda afin d’améliorer les conditions de vie des communautés locales tout en réduisant la demande en biomasse », écrit-elle. « Une taxe carbone appliquée à la clientèle la plus fortunée de la compagnie aérienne ? », demande-t-on à son directeur général, Gilles Feith. L’intéressé répond que « non ». Les crédits sont dégagés en rognant sur la marge que la compagnie réalise sur ces produits premium. Le seul endroit où cela est possible pour le moment, regrette Gilles Feith. Car les billets en classe éco sont soumis à la concurrence des low cost, « des groupes qui ne sont pas affectés par l’indexation des salaires ». Le directeur général fustige les vols à perte pratiqués par les Ryanair ou Volotea dont les prix des billets équivaudraient à la moitié des taxes aéroportuaires. « La volonté, l’ambition et la conscience environnementales sont là. Maintenant il faut être conséquent avec les réalités financières », explique Gilles Feith au Land. À terme (une fois le marché débarrassé des trublions low cost ?), le patron de Luxair voit le transport aérien comme la consommation de viande, un service devenu plus coûteux du fait des impératifs environnementaux et dont on profite avec parcimonie. « Il faut consommer en conscience », dit-il. La compagnie aérienne travaille sur la possibilité pour les acheteurs de billets d’offrir une contribution carbone sur base volontaire. pso

ESG washing

Sur le site Ferrero Corporate, vitrine digitale du groupe basé à Luxembourg (photo : sb), on apprend beaucoup sur les « core values » du géant de la pâte à tartiner pour les enfants, la « loyalty and trust », l’approche durable, sa promotion de la « consommation responsable », mais rien, absolument rien, sur les rappels de produits opérés en Europe consécutifs à des cas de salmonelles signalés après la consommation de produits Kinder fabriqués dans l’usine d’Arlon, à 25 kilomètres du siège au Findel. Ce jeudi, l’AFP annonce qu’une enquête préliminaire a été ouverte le 25 mai à Paris pour « tromperie aggravée par le danger pour la santé humaine, atteintes involontaires à l’intégrité physique et mise en danger de la vie d’autrui ». Mercredi, des perquisitions ont été menées au siège luxembourgeois, confirme le parquet au Land. « Ces perquisitions se situent dans le cadre d’une commission rogatoire internationale (CRI) émanant des autorités judiciaires belges », explique un porte-parole de l’administration judiciaire.

Le 19 avril, un juge d’instruction a été saisi par le parquet de la province du Luxembourg en Belgique à l’encontre de Ferrero Ardennes et contre X du chef d’infractions aux dispositions légales en matière de sécurité et d’hygiène des denrées alimentaires, d’obligations de notification et de traçabilité dans la chaîne alimentaire, et du chef de lésions corporelles involontaires et de non-assistance à personne en danger. Six perquisitions ont été menées simultanément mercredi. « Plusieurs lieux sont concernés en Belgique (à Bruxelles et à l’usine d’Arlon) et au Grand-Duché du Luxembourg, au siège de la multinationale Casa Ferrero (regroupant notamment les sociétés Ferrero International SA, Ferrero Trading Lux SA et SàRL Ferrero Management Services Luxembourg) », détaille le communiqué des autorités judiciaires belges. Selon la presse belge, le groupe Ferrero est « soupçonné d’avoir tardé à alerter les autorités et à rappeler ses produits alors que la salmonelle avait été détectée sur ses installations à Arlon dès le
15 décembre ». pso

Pierre Sorlut
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