À quelque chose malheur est bon, dit le proverbe. À RTL Lëtzebuerg, le désastre de l’affaire Lunghi/ Berwick/Schram/Bettel (voir d’Land du 25.11.16) aura mené à une restructuration de la direction (le CEO Alain Berwick est parti à la retraite et a été remplacé par Christophe Goossens) et des structures internes. Et à une prise de conscience de l’importance de la culture à l’antenne. Depuis lors, les programmes luxembourgeois ont à nouveau un service purement culturel (qui avait été aboli) au sein de la rédaction, en charge du traitement de l’actualité culturelle dans tous les médias du groupe, radio, télévision et la plateforme internet RTL.lu.
Christiane Kremer en est la responsable et travaille avec une petite équipe, soit Patricia Baum et Jenny Fischbach en journalistes fixes, plus Claudia Kollwelter et Annick Goerens, deux collègues de la radio, qui renforcent l’équipe ponctuellement, ainsi que quelques contributeurs free-lance. « Notre baseline, explique Kremer, c’est ‘Kultur fir jiddereen’ (la culture pour tout le monde) : on fait une offre très grand public, qui n’exclut personne, ne dépasse pas nos auditeurs ou spectateurs, mais ne les sous-estime pas pour autant ». Un bon exemple de cette approche est l’émission de débat No art on air, diffusée les jeudis soirs à vingt heures à la télévision, durant laquelle des invités du monde culturel s’expriment dans le cadre décontracté d’un bar branché, le Gudde Wëllen, un verre à la main, sur leur actualité artistique et leur vie professionnelle ou privée. Introduite en février 2018, l’émission, dans laquelle Christiane Kremer intervient régulièrement avec des portraits des invités ou des coups de cœur, connaît un bon écho auprès du public. Comme la plus ancienne Art Box du samedi soir, un portrait filmé qui visite chaque semaine un autre artiste dans son biotope naturel, que ce soit au Luxembourg ou à l’étranger.
« L’essentiel dans mon métier est de mettre mon vis-à-vis à l’aise, pour qu’il s’exprime librement », estime Christiane Kremer. La radio, elle s’y connaît : à 57 ans aujourd’hui, cela fait 31 ans qu’elle fait de l’antenne. Toujours chez RTL Radio Lëtzebuerg, où elle a commencé sa carrière en tant que free-lance dans l’émission pour enfants, après un bref passage à l’Administration des douanes. « Mes parents avaient une épicerie avec café à Kehlen, se souvient-elle. Un ami m’a dit un jour : ‘Mais c’est évident, tu continues ce métier, mais ailleurs – tu sers les gens’ ». Et elle éclate de rire. C’est vrai que Christiane Kremer est au service : de la chose culturelle, de la médiation, des artistes et du public. Son émission Am Gespréich, le jeudi à midi, est très prisée, parce qu’elle invite des artistes très divers à parler pendant une heure en live de leur travail et de leur vie – sans préjugés et en laissant de côté ses préférences personnelles. RTL Week-End, le samedi matin, est une émission de discussion faisant intervenir des personages publics très divers, du créatif en passant par le sportif jusqu’au chef gastronomique.
Christiane Kremer n’est pas Léa Salamé. Ni Mick Entringer. Il en faut, des intervieweurs qui démontent le storytelling des personnes publiques. Mais le rôle de Christiane Kremer est différent, ses invités ne sont pas sur le grill, elle tente plutôt de transmettre avec bienveillance cette passion pour la culture qu’elle vit elle-même : Elle est aussi auteure et traductrice de plusieurs livres pour enfants et pièces de théâtre et a fondé, en 2013, les éditions Kremart, avec Viviane Leytem et son confrère de chez RTL.lu Luc Marteling. Imperturbablement de bonne humeur à l’antenne, elle a appris le métier sur le terrain, avec Roby Rauchs et Fernand Mathes à l’époque. Et elle en a vu passer, des jeunes, qui sont venus se faire les dents et une notoriété avant de quitter RTL pour un autre média, un autre métier ou ...la politique. Quatre membres du gouvernement actuel sont passés par RTL, d’autres anciens collègues sont devenus attachés de presse de ministres. Mais Christiane Kremer, elle, reste au Kirchberg. « La politique, c’est vraiment pas pour moi, sourit-elle. Même si ce n’est pas comme si on ne m’avait jamais approchée… » C’est sûr : elle, c’est la transmission qu’elle a dans le sang.