C’est moi, ou vous aussi, vous avez l’impression de passer ce mois de janvier en état de jetlag constant ? Alors rien à voir avec la fatigue : j’ai choisi cette année de ne prendre strictement aucune résolution, donc pas de dry january, de veganuary, de fitnessjanuary ou de que sais-je pour moi. Et étrangement, ce complet lâcher prise à tendance je-m’en-foutiste, m’offre une forme olympique, bien plus efficace que la plus sévère de toutes les détoxs ! Reste que je subis une sorte de jetlag temporel. Vous savez, cette impression permanente d’être ancrée dans un autre fuseau horaire, d’avoir loupé un changement d’heure majeur, d’être déjà passée dans une autre saison, d’avoir sauté un mois. Oui c’est ça, j’ai le sentiment d’avoir un mois d’avance. Un mois de trop.
Les premiers symptômes sont apparus le 26 décembre au matin. Réveillée aux aurores par un enfant un peu trop emballé par ses cadeaux de Noël, et au lieu de me lover dans un plaid tout doux en profitant de la magie des jours de fêtes, j’ai observé mon sapin avec pitié, dédain, dégoût. Le pauvre était un peu dans le même état que moi après avoir mélanger champagne, vin rouge, vin blanc et Hunnëg Drëpp trois jours durant. En un mot, il ne ressemblait plus à rien. Sec, gris, les boules tombantes, l’étoile de travers, bref, il ne m’en fallût pas plus pour décréter la fin des festivités. À 8h09, mon arbre n’était qu’un lointain souvenir, n’ayant laissé que quelques épines égarées derrière lui. Les guirlandes, les fausses peaux de mouton, les bougies à la cannelle, la couronne de l’Avent, les étoiles lumineuses, toutes les décorations – un peu kitsch, j’en conviens – n’étaient plus. Il faut avouer, pour la défense du pauvre conifère, que ce dernier trônait dans mon salon depuis la fin novembre quand même. Alors oui, c’est un peu tôt, on est d’accord. Mais une fois Halloween passé, je dois dire que l’envie de transformer mon salon en chalet du Père-Noël m’a rapidement gagnée. J’estime avoir pas mal résisté pourtant, depuis la mi-octobre, quand à côté des masques de sorcières et des citrouilles à sculpter, le pain d’épice et les Boxemännchen me faisaient déjà de l’œil.
Quelques jours avant Nouvel An, je concède avoir tout de même été prise d’une certaine nostalgie, voire de quelques remords, d’avoir ainsi si vite aboli Noël. J’ai eu envie d’une bûche, une dernière, à la crème au beurre si possible, avec des petits champignons en meringue posés sur le dessus. Mais visiblement, mon boulanger semblait avoir été atteint du même syndrome que moi. Sur sa devanture, plus aucune trace de cette fausse neige et de ce paysage de Pôle-Nord qui ornait sa vitrine depuis des semaines. Sur son comptoir, sur ses étals, il n’y avait de place que pour un seul et unique gâteau décliné certes en plusieurs saveurs : la galette des rois surmontée de sa traditionnelle couronne dorée. C’est là que je me suis dit que décidément, j’avais perdu la notion du temps.
Car la crème frangipane, c’est pour le 6 janvier. Pas avant. Et justement, le samedi qui précédait l’Épiphanie, j’ai eu envie d’aller faire les magasins. Pas les soldes hein, on n’a plus trop droit, la surconsommation, la fast fashion, tout ça tout ça. Donc je me suis contenté de faire du lèche-vitrine et de me balader au marché. Là, clairement, je me suis laissée influencer. J’ai suivi la tendance et comme bon nombre de mes semblables, j’ai acheté un bouquet de tulipes, multicolore et printanier. Si rafraîchissant sur ma table de salle à manger. Le soir même, en pleine 49e raclette party de la saison avec mes invités, le contraste m’a frappé. Le fromage fondu et les fleurs de toutes les couleurs, ça ne matchait pas. Du tout. « En même temps, Salomé, les tulipes, c’est plutôt à Pâques qu’on les achète ! » m’a gentiment fait remarquer mon amie. J’avoue que c’est vrai, j’ai été un peu rapide en besogne. J’aurais pu laisser tomber les premières neiges, si tant est qu’il neige encore en janvier, et attendre encore un peu, passer le Nouvel an Chinois, puis la Saint-Valentin, les roses rouges qui vont avec et peut-être même la St-Patrick, avant de dégainer mon #springflowers sur Instagram. Il y a un temps pour tout, c’est vrai. Elle a raison mon amie. De respecter ainsi les saisons. Elle est d’ailleurs repassée chez moi, hier après-midi, à l’heure du goûter. Un sac en papier plein de… Fueskichelcher. Un 16 janvier. Face à ma mine effarée, et comme un peu prise sur le fait, elle a senti le besoin de se justifier : « Ben quoi, Carnaval c’est quand même déjà dans un mois… ». Jetlag, quand tu nous tiens…