Depuis près de vingt ans, les États des Balkans occidentaux attendent dans l’antichambre de l’Union européenne (UE), espérant que la porte du club leur sera ouverte. Le 17 mai, un sommet UE-Balkans occidentaux organisé dans la capitale bulgare Sofia faisait renaître l’espoir d’une future intégration. « Ce sommet nous a permis de nouer des liens encore plus étroits avec nos amis des pays des Balkans occidentaux qui, pas à pas, jour après jour, se rapprochent un peu plus de l’Union européenne, chacun à son propre rythme et selon ses propres mérites, a déclaré le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker. Un ancrage dans l’Union européenne signifie partager des valeurs et des principes, y compris le respect de l’état de droit, de l’indépendance de la justice et de la liberté d’expression. En effet, l’Union européenne est, avant toute chose, une communauté de valeurs et de droit. »
La Serbie, le Monténégro, la Bosnie-Herzégovine, l’Albanie, le Kosovo et la Macédoine veulent bien y croire, mais attendent plus que des discours sur leur adhésion à l’UE. Selon les sondages du Baromètre des Balkans, 39 pour cent des habitants de ces pays souhaitent l’intégration dans l’UE, 36 pour cent y sont indifférents et le reste d’entre eux n’y croient plus. Leur espoir avait été balayé en 2014 à l’occasion du discours d’investiture de Jean-Claude Juncker à la présidence de la Commission européenne, lorsqu’il s’était engagé à ne pas élargir l’UE au cours de son mandat. Mais trois ans plus tard, l’élargissement semble faire son grand retour sur l’agenda de Bruxelles. Des pourparlers d’adhésion ont été démarrés avec la Serbie et le Monténégro, qui devraient devenir membres de l’UE d’ici 2025. « Je ne conçois pas d’autre avenir pour les Balkans occidentaux que l’UE, a affirmé le président du Conseil européen, Donald Tusk, à l’occasion du sommet de Sofia. Il n’y a pas d’autre solution, il n’y a pas de plan B. Les Balkans occidentaux font partie intégrante de l’Europe et ils sont à leur place au sein de notre communauté. »
Censé relancer le projet européen dans les Balkans, le sommet de Sofia a été centré sur le thème de la « connectivité ». L’UE s’est engagée à améliorer la connectivité dans toutes ses dimensions : transport, énergie, numérique, affaires et jeunesse. Bruxelles allouera des subventions pour onze projets de transports (route, rail et ports) pour un montant de 190 millions d’euros. Grâce à cet investissement, les pays de la région pourront mobiliser jusqu’à un milliard d’euros de prêts auprès d’institutions financières internationales. Cette enveloppe inclut un financement pour les deux premières sections de l’« autoroute de la paix » (Nis-Pristina-Durrës) et de l’« autoroute bleue » le long de la côte adriatique. Plus de trente millions d’euros seront investis dans le numérique pour le déploiement du haut débit dans la région. Enfin, les crédits alloués au programme d’échange d’étudiants Erasmus seront doublés pour permettre à davantage de jeunes d’étudier dans l’UE.
L’ouverture de l’UE envers les Balkans occidentaux vise aussi à mettre un frein à l’influence de la Russie et de la Chine qui se font de plus en plus présentes dans cette région. Depuis l’invasion de la Crimée en 2014, la Russie essaie d’avancer ses pions vers l’Ouest. Moscou a trouvé un partenaire en Hongrie, mais se heurte à l’opposition de la Pologne et de la Roumanie. En échange, les Balkans occidentaux sont plus malléables face aux ambitions de la Russie de reconquérir sa sphère d’influence. Quant à la Chine, son influence s’articule principalement au travers d’investissements publics répondant davantage aux intérêts de l’État qu’à une logique de marché. En 2014, la Chine a achevé la construction d’un pont sur le Danube à Belgrade. Le financement de ce projet, estimé à 170 millions d’euros, a été assuré par un prêt d’État de la Chine à hauteur de 85 pour cent du budget. En 2017, la Chine et la Serbie ont signé un autre contrat pour la construction d’une ligne de chemin de fer rapide qui reliera Belgrade à la capitale hongroise Budapest, avec un prêt de l’État chinois de plus d’un milliard d’euros.
Les Européens s’inquiètent des tensions qui demeurent dans la région, comme celles entre la Serbie et son ancienne province du Kosovo. Cinq États membres – l’Espagne, la Grèce, Chypre, la Slovaquie et la Roumanie – ne reconnaissent pas l’indépendance que le Kosovo a proclamée en 2008. Les problèmes de la Catalogne ont empêché le Premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, de se rendre à Sofia. Les pays de l’UE ne font pas l’unanimité au sujet de l’intégration des Balkans, mais ils sont d’accord pour renforcer les liens avec cette région avant le prochain sommet UE – Balkans occidentaux qui aura lieu en 2020 durant la présidence croate du Conseil européen. Toutefois, le sommet de Sofia a entre-ouvert la porte et redonné l’espoir d’une future intégration dans l’UE. « Nous avons réaffirmé notre attachement commun à la perspective européenne de toute la région, a déclaré Donald Tusk à Sofia. L’Union européenne est et restera le partenaire le plus fiable de l’ensemble des Balkans occidentaux. »