Plutôt que de vouloir régler les problématiques de transports urbains à la surface, conquérons les airs, là où il reste beaucoup de place, et circulons-y à notre aise dans de petits hélicoptères mus à l’électricité. L’idée n’est pas nouvelle, mais les gains de poids obtenus ces dernières années pour les batteries et moteurs, dont témoigne l’essor des drones, mettent cette vision à portée de main. Les entreprises du secteur, qui n’ont juré jusqu’ici que par le kérosène, développent à présent des prototypes à grands frais de R&D. Dans quelques années, l’espace aérien de nos villes servira donc à satisfaire nos insatiables besoins de mobilité de proximité. Uber, qui s’est installé sur le créneau du transport urbain motorisé alors que d’immenses parcs de voitures existaient déjà, entend cette fois contribuer à la définition des engins qui sillonneront nos cieux. L’entreprise a formellement annoncé cette semaine vouloir investir ce domaine, non pas en tant que constructeur, mais en tant qu’intervenant mettant les différentes parties prenantes de cette future aventure d’accord sur une norme partagée afin de faciliter son déploiement.
S’appuyant sur l’expertise de Mark Moore, son directeur d’ingénierie aérienne qui a travaillé pendant trente ans à la Nasa sur des engins à propulsion électrique, Uber a présenté le modèle idéal de taxi aérien, baptisé « modèle de référence commun ». L’avantage d’une telle approche serait de grandement faciliter la circulation de taxis aériens sur les mêmes routes et l’utilisation partagée d’infrastructures dédiées. Le modèle commun imaginé, qui ressemble à la coque d’un trimaran équipé d’hélices mues à l’électricité, permet d’emporter quatre personnes assises l’une derrière l’autre, qui entrent dans l’appareil et le quittent par la porte unique située toujours du même côté, une caractéristique destinée à alléger les dispositifs de sécurité sur les aires d’embarquement et de dépose. Au début, sur les quatre personnes pouvant prendre place à bord, l’une serait le pilote, mais il est prévu que ces taxis soient plus tard pilotés à distance. Ils pourraient voler à une vitesse allant jusqu’à 300 kilomètres à l’heure, à une hauteur maximale de 600 mètres, et auraient une autonomie d’une centaine de kilomètres.
Uber, qui s’est toujours défini comme une app plutôt que comme une entreprise de transport – pour échapper aux législations applicables aux taxis –, prend donc les devants pour devenir un acteur incontournable de ce marché émergent, avec un nouveau service qui s’appellera UberAir. Il ne s’agit pas de science-fiction destinée à se concrétiser dans plusieurs décennies : ces engins doivent être déployés à partir de 2020 lors de démonstrations prévues à Dallas-Fort Worth et Los Angeles, et le service commercial est censé démarrer dans cinq ans. Uber compte organiser au cours des prochains mois des conférences, dites « Elevate », réunissant notamment les acteurs industriels susceptibles de participer au développement des appareils. Il faut reconnaître à l’entreprise, engluée dans une multitude de procès et accusée d’escroquer ses chauffeurs, mais dont le nom est aussi devenu synonyme de disruption numérique, qu’elle ne manque pas d’audace en abordant ainsi cet eldorado du transport urbain rapide, propre et silencieux. Mais les constructeurs et édiles appelés à préparer celui-ci voudront-ils mettre leurs œufs dans le panier d’un intervenant à la réputation aussi sulfureuse ?
En tout cas, pour ce qui est du coût de ces taxis aériens, Uber ne se trouvera pas du tout dans la même situation que lorsqu’il défia les taxis traditionnels et leur coupa l’herbe sous le pied grâce à des courses bien meilleur marché : il lui faudra compter sur un coût de revient de l’ordre de 5,73 dollars par passager et par mile, soit 7,65 euros le kilomètre par passager. C’est pourquoi il présente le service comme une alternative à la possession d’une voiture, ce qui suggère qu’il travaille sur des formules d’abonnement calibrées. L’entreprise estime que si ce service était disponible aujourd’hui, quelque 700 millions de personnes dans le monde seraient susceptibles d’y recourir.