Confluence

Dans l’imaginaire de l’autre

d'Lëtzebuerger Land du 27.01.2012

Au sommet de leur talent, le chorégraphe-danseur Akram Khan et le musicien Nitin Sawhney, tous deux habitués des scènes internationales, ont présenté vendredi dernier au Grand Théâtre Confluence, pièce interprétée pour la première fois en 2009 au Sadler’s Wells en clôture du festival Svapnagata. C’est dans le cadre de ce festival, célébration de la musique indienne et de la danse, que l’idée de revisiter leurs voyages créatifs communs est intervenue. Une sorte de remix dont le socle fondamental est de ce fait à parité égale entre la danse et la musique.

Les projections vidéo notamment de citations sur l’art et la création telles que « the self is not within », « the raga is not in the musician’s hands » créent une ambiance mystique très simple, mais parfois un peu professorale. Les lumières de Fabiana Piccioli et les vidéos de Nick Hilel apportent une esthétique dépouillée et artistique tel un album concept.

Akram Khan, blessé à la cheville depuis plusieurs semaines, avait annulé son solo Desh, nouvelle création programmée deux jours avant, mais maintenu sa participation dans Confluence. Présence moins physique car Akram Khan n’a pu interpréter aucun des passages dansés de Confluence, pour autant sa présence dans l’interprétation des monologues est toujours aussi charismatique. La création initiale prévoyant en effet que le chorégraphe-danseur réalise des solos de danse sur certains des passages musicaux.

Toutefois, bien que le mouvement d’Akram Khan soit incomparable à d’autres danseurs et que le public avait une réelle envie de le voir danser, la puissance et l’énergie musicale, permettaient qu’elles ne soient pas dansées. Même si dans ces situations précises, l’équilibre danse-musique est rompu, la richesse mélodique, rythmique de la musique justifie la place qu’elle prend.

Confluence est le point de rencontre de deux identités qui se jettent sans peur dans l’imaginaire de l’autre pour parvenir à un processus créatif. L’un habitant Londres, l’autre habitant dans le Kent, partagent tous deux un même rapport au temps, un même rapport à la pensée. La perception du monde qui les entoure en est donc très identique, chacun dans son champ d’expression de prédilection. Début de fragments de conversation entre Kahn et Sawhney de la vie quotidienne et pensées profondes puis enchaînement très rapide vers la consistance : la danse et la musique.

Shawhney joue de la guitare et des keyboards et son ensemble joue en direct du violoncelle, violon, flûte Indienne, tabla et voix dans des styles de musique et des tessitures très différentes. La voix claire et souple de Nicki Wells est très largement saluée par l’audience. Le premier morceau, Nadia, est sublime et émouvant.

Citations de leurs créations antérieures Batok, Kaash et Zero Degrees, la précision de la performance dans ses moindres détails est une belle entrée en matière sur leur collaboration de plus de sept ans. Ainsi, le thème du double émergeant dans le dialogue synchronisé à l’unisson avec Cherkaoui en 2005 dans Zero Degrees est toujours aussi délicieux interprété par Sawhney en prélude de ce qui va suivre... Un voile gris en gaze en fond de scène laissant apparaître les notes de musique du groupe et surtout de la voix lumineuse de la jeune chanteuse.

Bahok est évoqué par la scène relative à la tyrannie du passeport et sur les expériences de voyage. Les danseurs relèvent le défi en présence bienveillante de leur chorégraphe et partenaire de danse, lequel les regarde évoluer entre danse contemporaine et kathak dans une gestuelle toujours aussi magique. Le premier passage dansé est un duo recréant Shiva, la déesse aux multiples bras est splendide. La musique est le partenaire de la danse bien plus que son accompagnateur.

Ce concept concert-danse, remix, si bien agencé donne simplement envie de re-découvrir leurs collaborations qui s’inscrivent d’ores et déjà comme des créations majeures, outre celle de découvrir avec impatience leur futur projet créatif.

Emmanuelle Ragot
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