La Belle

La Belle bling-bling

d'Lëtzebuerger Land du 20.01.2012

Vous aviez aimé le Lac des cygnes qui avait été présenté en 2010 avec les mêmes chorégraphes, scénographe, et danseurs principaux ? Vous avez alors très certainement adoré La Belle au bois dormant présentée au Grand Théâtre de la Ville de Luxembourg le 12 janvier devant une salle comble.

Un air de galette des rois en ce mois de janvier, le roi et la reine portent couronnes et diadèmes. La référence historique à l’esprit du Grand Siècle français est plus que visible, elle plombe l’énergie du ballet. Ornements raffinés, féerie des costumes, somptuosité des décors, on se croit à la première d’une parade d’un grand parc d’attraction. Les six fées parées aux couleurs de berlingots ou macarons… en tutu lilas, vert menthe, rose, violet, orange, bleu et jaune brillent dans leur tenue. Cela clignote un peu trop vers un premier degré de l’esthétisme de la grande période baroque française.

Le conte de Charles Perrault du XVIIe siècle est connu de tous : Aurore, princesse reçoit, lors de sa récente naissance, l’hommage des fées de tout le royaume. Vexée de ne pas avoir été conviée, la féroce Carabosse maudit la princesse, la condamnant à une mort inéluctable le jour de ses seize ans. La fée des Lilas adoucira l’envoûtement, la princesse se piquera au doigt et s’endormira pendant cent ans au terme desquels, elle se réveillera par le baiser du prince charmant.

La Belle au bois dormant (1890), célèbre ballet de Marius Petita commandé au compositeur Piotr Tchaïkovski, est un morceau de bravoure du répertoire classique pour les danseurs se situant dans l’histoire de la danse entre que le Lac des cygnes et Casse-noisette. La partition intense de Tchaïkovski était interprétée en direct par l’Orchestre philharmonique du Luxembourg sous la direction de Benjamin Pope.

La chorégraphe Marcia Haydée, prima ballerina en 1961 au Ballet de Stuttgart et en ayant assuré la direction de 1976 à 1996, présentait déjà en 1987 pour la compagnie du Stuttgarter Ballett, sa propre interprétation de l’œuvre axée sur son contenu dramatique. Son envie de créer sa Belle au bois dormant rejoignait celle de constituer une identité forte pour la compagnie et tous les talents de la troupe sont utilisés. Avec une cinquantaine de personnes sur scène, le corps de ballet sert de faire-valoir aux premiers danseurs.

C’est un ballet flamboyant, mais nos réserves sont identiques à celles exprimées pour le Lac des cygnes, à savoir une impression de vide émotionnel. Une nouvelle fois, le côté « fan de » ressortait inévitablement du fait d’applaudissements peu contenus et ce tout au long du ballet. Les ensembles comme les solistes étaient superbes de technicité pour cette chorégraphie particulièrement difficile, digne de l’école de danse russe. Aki Saito dans son rôle d’Aurore exécute parfaitement ses solos et pas de deux ; Wim Vanlessen, le prince, a été véritablement surprenant tant dans son interprétation technique que dramatique. Confiant, maîtrisant parfaitement son rôle, il était très libre et détendu dans ses mouvements. Bien sûr, la fée des Lilas, Geneviève Van Quaquebeke a su dans les duos ou solos s’imposer face à Carabosse...

Le grand point fort de ce ballet est incontestablement le rôle de la fée Carabosse, écrit pour un danseur et interprété sublimement par Alain Honorez lequel dans sa partie de chorégraphie contemporaine a su insuffler une tension et une énergie tout au long du ballet. Précision gestuelle, sens de la pose, le répertoire des mouvements classiques et formes de danse semble se décliner à l’excès dans ce ballet, notamment dans l’évocation de tous les contes au troisième acte. Néanmoins, La Belle au bois dormant aurait gagné à ne pas se réveiller entourée de Hänsel et Gretel, Cendrillon, Barbe Bleue, Aladin, Colombine et Arlequin, la Princesse et la grenouille, la Belle et la Bête; Blanche Neige et les sept nains, L’oiseau bleu, le Chat botté, Ali Baba, le Chaperon Rouge et le Loup...

Emmanuelle Ragot
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