Le secteur du paiement mobile a fortement évolué au cours des années 2000. Dans les marchés émergents notamment, la première plateforme de paiement mobile a été développée sur le marché philippin par l’opérateur Telecom Smart en 2001. Dans les économies occidentales, le rythme d’innovation s’est quant à lui également rapidement accéléré au cours des cinq dernières années. Aujourd’hui, l’on dénombre plus de 150 solutions de paiement mobile à travers le monde et plus de 90 actuellement en cours de développement.
Le nombre de personnes utilisant activement leur téléphone comme moyen de paiement reste pour le moment assez faible au niveau mondial au regard du nombre de détenteurs de téléphones portables. Les utilisateurs actifs et réguliers de solutions de paiement mobile représentaient seulement 7% des possesseurs de téléphones mobiles à travers le monde fin 2013 d’après une étude publiée par Gartner Research. Cette population devrait malgré tout fortement augmenter dans les années à venir au vu de l’explosion du nombre d’utilisateurs de téléphones mobiles et plus particulièrement de « Smartphones ».
La faible utilisation du téléphone mobile comme moyen de paiement cache pourtant une forte disparité entre les pays émergents où la majeure partie des transactions financières se fait par l’intermédiaire du téléphone portable, et les marchés matures où les banques et les émetteurs de cartes de crédit ont le monopole sur le marché du paiement. Cet écart dans l’expansion de ces solutions de paiement innovantes entre ces deux zones géographiques peut principalement s’expliquer par le faible niveau de bancarisation de la population dans les pays émergents. La majeure partie de la population de ces pays n’utilisant que leur téléphone pour gérer leurs finances personnelles au quotidien. De plus, le récent développement de solutions de paiement mobile dans les économies occidentales ne s’accompagne pas pour le moment d’une forte utilisation par les possesseurs de « Smartphones ». Le faible taux de pénétration de ces solutions de paiement alternatives dans les économies matures s’explique par l’existence d’offres de services simples, rapides et efficaces tels que les cartes de paiement intégralement gérées par le secteur bancaire et les sociétés émettrices de cartes de crédit.
L’utilisation à plus grande échelle, dans un avenir proche, des « Smartphones » qui intègrent désormais des fonctionnalités de géolocalisation, de scanning, de QR codes, et de puces NFC risque néanmoins de remettre en cause le rôle qu’occupent les banques et les émetteurs de cartes de crédit sur ce marché en pleine expansion. On peut par conséquent se demander quel positionnement le secteur bancaire et les émetteurs de carte de crédit souhaitent adopter sur ce marché au vu de l’évolution des souhaits et des comportements des consommateurs de plus en plus « accros » à leur mobile.
Pour le moment, les banques n’ont pas encore adopté de réelles stratégies vis-à-vis de ce nouveau secteur qui les séduit pourtant grandement. Ces banques préfèrent s’allier avec des acteurs proposant déjà des solutions de paiement mobile plutôt que de développer elles-mêmes de réelles solutions alternatives. Cette « passivité » pourrait bien à terme remettre en cause leur monopole dans le secteur du paiement, sachant qu’elles disposent encore aujourd’hui d’un accès sans égal aux donnés des utilisateurs, leur donnant par là même la possibilité d’observer le comportement des consommateurs. Cet accès privilégié aux données pourrait pourtant bien leur permettre d’aider les commerçants à définir certaines de leurs offres commerciales les plus attractives.
La faiblesse du développement de ces solutions de paiements innovantes dans les économies occidentales pourrait être également corrigée par la mise en place de l’interopérabilité des différentes plateformes existantes comme cela commence déjà à être le cas sur certains marchés asiatiques. En effet, pour la première fois, trois opérateurs télécoms en Indonésie se sont accordés en mai 2013 à mettre en place l’interopérabilité de leur portefeuille électronique permettant ainsi à leurs clients de s’échanger de la monnaie électronique avec leurs « e-wallets » respectifs.
Le développement et l’accompagnement des offres de services de paiement mobile avec des fonctionnalités telles que les programmes de fidélité ou encore de fonctions marketing contribueront sans aucun doute au succès des opérateurs sur cette niche. De même, l’adaptation des opérateurs aux spécifités de chaque marché et aux cadres réglementaires de plus en plus stricts sera également un autre facteur clé de réussite.
Face à cette évolution du secteur, le Luxembourg a créé un cadre réglementaire spécifique aux sociétés de paiement et aux sociétés de monnaie électronique transposé de la Directive européenne sur les services de paiements de 2009 et amendé en 2011 pour répondre aux besoins d’un cadre réglementaire spécifique et adapté aux établissements de monnaie électronique. Le Luxembourg a en effet très tôt pris conscience du potentiel de croissance de ce secteur d’activité comme alternative aux modes de paiement traditionnels tels que les cartes de paiement ou la monnaie papier. Cette prise de conscience rapide a permis aux autorités luxembourgeoises d’attirer sur leur sol de nombreuses « start-ups » luxembourgeoises et européennes souhaitant disposer du passeport européen offert par la licence luxembourgeoise et transposable sur tous les marchés environnants. Le Grand-Duché a réussi à attirer ces « start-ups » par diverses initiatives comme par exemple Europe4Startups qui a pour partenaires EY et DAT4, l’incubateur du Technoport d’Esch-sur-Alzette, le Future Lab soutenu par BGL BNP Paribas ou encore via les subventions en capitaux pour les « start-ups » innovantes mises en place par le ministère de l’Ėconomie et du Commerce extérieur. Grâce à ces initiatives, le Luxembourg compte aujourd’hui une dizaine d’établissements de paiement et de monnaie électroniques développant leurs activités depuis le Grand-Duché et présentant des « business models » bien distincts.
Certains ont effectivement fait le choix de s’interconnecter directement aux banques, ce qui leur permet de faire la passerelle entre les acheteurs et les vendeurs à condition, bien évidemment pour les acheteurs, de posséder un compte bancaire dans les banques partenaires de ces solutions de paiement. D’autres, à l’inverse, ont pris le parti de ne pas s’associer aux banques, proposant des systèmes de « e-wallet » rechargeables par virement bancaire ou par carte de crédit, leur donnant ainsi la possibilité d’émettre de la monnaie électronique. Ces solutions permettent à leurs utilisateurs, non seulement de régler leurs transactions dans les établissements partenaires grâce à leur « e-wallet », mais également de s’échanger de la monnaie électronique ou encore de mutualiser les paiements dans le cadre du « crowd funding ». A ce jour, inutile de faire des pronostics, seul l’avenir nous dira quelle solution de paiement innovante réussira à se développer et à pérenniser, et de ce fait toucher le plus grand nombre d’entre nous.