Le courage, fil rouge de la saison du Escher Theater, est aussi le titre de sa nouvelle production présentée le week-end dernier. Le courage est un spectacle persuasif, malgré quelques lourdeurs, de la metteure en scène Catherine Schaub, qui retrouve la scène eschoise après y avoir monté La chambre des larmes. Ce courage là a été façonné à partir de monologues commandés à des auteures dans le cadre des Intrépides 2017 de la SACD, édition pilotée par Catherine Schaub.
Pour sa création luxembourgeoise, elle a choisi d’en faire un vrai spectacle et de travailler avec quatre comédiennes qui interviennent en solo (chacune porte un texte) et qui se font aussi danseuses et chanteuses en collectif au fil d’intermèdes singuliers dans un tel spectacle. À la base, il y a donc quatre textes, courts mais percutants, qui interrogent la condition des femmes d’aujourd’hui en partant d’histoires vraies. Ils prennent à bras-le-corps les thèmes de la force et de la résistance, mais aussi de la lâcheté et de la culpabilité et questionnent les notions d’éthique, de justice et d’humanité en évoquant le destin de femmes victimes ou témoins de la violence, publique ou privée, physique ou psychologique, drame du quotidien ou horreur de l’Histoire.
Le beau texte J’aurais préféré avoir un flingue de la Franco-Suisse Julie Gilbert est porté sur scène par Valérie Geoffrion, convaincante, qui incarne avec force une femme, hier « number one » de la sécurité alimentaire dans une multinationale, aujourd’hui lanceuse d’alerte exclue de sa société, « devenue complètement invisible » dira celle dont la vie est anéantie. Ce récit est inspiré de l’histoire de Yasmine Motarjemi en procès depuis douze ans avec Nestlé, apprenons-nous par un texte projeté sur le grand écran qui occupe le fond de la scène.
Phare de la Belge Céline Delbecq est le récit bouleversant d’une femme victime de violences conjugales qu’elle endure impuissante depuis quatorze ans sous les yeux de ses enfants. Valérie Bodson livre ce texte avec émotion, debout sur le devant de la scène sur un petit tabouret qui suggère l’enfermement dans le phare isolé où elle vit avec pour seul horizon la solitude, la houle et la furie de la tempête. « Partir », criera-t-elle !
Dans Pistes de la Franco-Sénégalaise Penda Diouf, la touchante danseuse et comédienne Céline Camara incarne une femme qui largue les amarres pour un voyage en Namibie sur les pas du fameux sprinter Frank Fredericks, « quand le corps se fait politique », dit-elle. Un voyage qui est retour vers soi, mais surtout réveil de la mémoire contre l’oubli de l’histoire et nous ramène à l’horreur passée du premier génocide d’un XXe siècle naissant.
Enfin, La Scène de la Française Camille Laurens, avec l’éloquente comédienne Charlotte Marquart, raconte l’histoire d’une lâcheté ordinaire à travers la reconstitution d’une scène vécue par une femme attendant son RER. Ce jour-là, elle est témoin d’une violente dispute, mais elle n’intervient pas. Les autres comédiennes et le musicien sont des figurants muets dans cette séquence qui se révèlera mise en scène pour étude sociologique ! Le décor est réussi, suggéré par quelques chaises qui font office de bancs de station de RER et de tribunal populaire.
Présentes tout au long du spectacle, ces chaises qui masquent, enferment, séparent et sont aussi supports de chorégraphie sont un des rares accessoires de la belle scénographie de Trixi Weis. L’étonnant quatuor de comédiennes évolue parfois comme dans un ballet (conseils de Jean-Guillaume Weis). Leurs performances sont ponctuées des délicats accords de musique live d’Aldo Gilbert et de symboliques lumières qui font advenir sur l’écran monochromes colorés et clair-obscur en lien avec les différentes atmosphères.
Le courage résonne comme un cri d’alarme. Dommage que les intermèdes, censés lier les textes et apaiser l’atmosphère, finissent par leur surcharge d’informations et leurs accents vaudevillesques (surtout ce quiz sur le machisme ordinaire dans lequel est entraîné le public) par alourdir ce beau spectacle construit autour de textes engagés et de puissants personnages de femmes.