Il faut une sacrée dose de myopie, et sans doute aussi de cynisme, pour continuer de soutenir que l’espèce humaine est sur la bonne voie. L’étude Global Carbon Budget 2019 publiée cette semaine prédit que l’année 2019 s’alignera sur les précédentes en ce qu’elle se soldera par une poursuite de l’augmentation des émissions globales de CO2, à 0,6 pour cent. Une décélération notable par rapport aux 1,5 pour cent de 2017 et aux 2,1 pour cent de 2018, mais une hausse là où il faudrait de tout urgence une inversion de la courbe. Les chiffres, rassemblés par une équipe internationale de chercheurs sous l’égide du Global Carbon Project, sont publiés alors que commence à Madrid, dans une ambiance désenchantée, la COP25, déplacée in extremis du Chili pour échapper aux convulsions que traverse ce pays.
Ce qui est particulièrement alarmant, c’est que la poursuite de la hausse des émissions d’origine humaine coïncide avec une baisse – timide il est vrai – de l’utilisation du charbon. Celui-ci aura marqué le pas, avec un recul estimé à 0,9 pour cent. Mais le pire des combustibles fossiles, tant du point de vue des émissions par unité d’énergie produite que par les émissions de substances nocives pour la santé, continue de réchauffer l’atmosphère et d’empoisonner l’air et l’eau autour des chaudières et centrales où il est brûlé. Et c’est désormais le gaz naturel qui est le principal facteur de la croissance des émissions. En matière climatique, gagner sur un front tout en perdant sur un autre, c’est toujours perdre.
Certes, ces dernières années, la progression des émissions de gaz carbonique s’est quelque peu ralentie par rapport aux années 2000, où elle tournait autour de trois pour cent par an, pour s’établir désormais en moyenne à 0,9 pour cent. Autre relative bonne nouvelle, la hausse significativement moindre des émissions de l’Inde, de huit pour cent en 2018 à 1,8 pour cent en 2019.
Les chiffres du Global Carbon Project démontrent, si besoin était, qu’il est complètement illusoire de compter sur les seuls mécanismes de marché et la forte baisse des prix des énergies renouvelables pour mettre un terme à notre addiction aux énergies fossiles. C’est pourtant sur ce genre de politique que misent en premier lieu la plupart des dirigeants européens. Par rapport à la plupart des autres gros émetteurs, l’Europe, dont les émissions ont baissé de 1,5 pour cent cette année par rapport à la précédente, peut se donner le luxe de bomber le torse, tant les efforts des premiers restent indigents. Mais est-ce une consolation ? Pas vraiment, dit Glen Peters, du Center for International Climate Research, en Norvège, un des contributeurs de l’étude. « Chaque année où les émissions augmentent, même si ce n’est que d’un peu, rend plus difficile la tâche de les réduire », résume-t-il. À quand le dégrisement ?