Un membre de la famille

d'Lëtzebuerger Land du 12.09.2025

Jeezy aime la présence des humains, c'est indéniable : dès notre arrivée, la femelle Bengale de six ans nous accueille avec force miaulements et frottements... Elle attendait avec impatience la visite de sa « pet-sitteuse », Anissa. Ce métier consiste à venir s'occuper de votre animal lorsque vous êtes au travail ou en vacances, les tâches les plus courantes consistant à le nourrir et à promener votre chien. Mais Anissa s'investit bien au-delà : « Je leur tiens compagnie, je joue avec eux en prenant le temps qu'il faut, je surveille aussi leur comportement, explique-t-elle en caressant le félin. Et je veille toujours à multiplier les petites attentions même à travers les gestes les plus simples, comme la température de l'eau du bol ». La jeune femme de 33 ans, longs cheveux bouclés et anneau nasal, a créé son entreprise « Nanny pet-sitting » il y a une dizaine d'années.

Infirmière de formation, elle a rapidement proposé un service de « pet-nursing » : en lien avec un vétérinaire, elle est compétente pour effectuer des piqûres, des bandages ou administrer un médicament. Il y a quelque temps, Anissa a repéré les signes d'un récent AVC chez un chat, et surveille avec soin la petite Jeezy, qui souffre d'un problème à l'oreille affectant son équilibre. À une époque, elle devait lui préparer un repas spécial, lui administrer un traitement. Des tâches qui peuvent refroidir certains de ses confrères. « Je me rends indispensable car mon métier ne l’est pas à la base, contrairement à une infirmière ; même si je suis mieux payée qu’une infirmière en France ! C'est assez fou ». La jeune femme a vite renoncé à exercer cette profession : elle communique bien mieux avec les animaux qu'avec les humains, explique-t-elle.

La pet-sitteuse entretient néanmoins « des liens très forts » avec les maîtres. Dans l'appartement de Dudelange où réside Jeezy, un petit cadeau et un mot de remerciements ont été déposés à son intention, signé « les parents ». Le phénomène actuel du pet-sitting doit beaucoup à la proximité toujours plus forte entre les animaux de compagnie et leurs propriétaires (un bien vilain mot), qui les considèrent de plus en plus comme leurs enfants. À ce titre, Anissa n'aurait pas pu mieux choisir son pseudonyme de « Nanny ». Selon elle, c'était tout simplement le surnom que lui donnaient ses proches pendant son enfance. Mais c'est aussi un terme anglais qui selon le vénérable dictionnaire Oxford désigne « une personne employée pour veiller sur un enfant à son domicile ». Anissa pense que le phénomène s'est développé assez tôt au Luxembourg grâce à la présence d'expatriés venus du Royaume-Uni ou des États-Unis, berceaux de cette activité (à ce moment de l'interview, l'image de caniches royaux promenés sur les trottoirs de Hollywood s'impose irrésistiblement à notre esprit).

La page Instagram de Nanny pet-sitting témoigne d'un attachement qui va bien au-delà de l'affection pour une petite (ou grosse) boule de poils : sous les photos de tel ou tel animal, on peut lire des commentaires comme « mon bébé ! » ou « ma fille, la plus belle ». « Chez certains clients, l’animal se substitue à l'enfant qu'ils n'ont pas, par choix ou par contrainte » confie Anissa, qui propose également d'accueillir les chiens en pension chez elle, en Meuse, où vivent aussi ses chevaux. Lorsque des maîtres logent leur compagnon chez Anissa, ils sont heureux de savoir qu'il séjourne en même temps qu'un « copain » croisé lors de ses précédentes vacances. « Je fais mes plannings en fonction des affinités entre les animaux, et je n'accueille pas plus de cinq chiens à la fois : ils vivent avec moi comme si c'était les miens ; pas de chenil ni de cage ! » précise Anissa.

Très sollicitée avant la période Covid, la pet-sitteuse a un peu ralenti le rythme, même si elle accepte toujours de nouvelles propositions, qui lui parviennent via le bouche-à-oreille. Elle s'occupe aussi du centre de sport canin qu'elle ouvert à quelques kilomètres de son domicile, et qui peut faire un joli terrain de jeux pour ses chiens pensionnaires. Pas question de multiplier les visites pour optimiser son chiffre d'affaires, elle préfère prendre son temps avec chaque animal, chien, chat, lapin, ou même serpent ou mygale... même si dans ces deux derniers cas, les câlins sont peut-être un peu moins de rigueur.

Benjamin Bottemer
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