Réseaux sociaux

Lynda.com repris par LinkedIn

d'Lëtzebuerger Land du 17.04.2015

Lorsque le réseau social professionnel LinkedIn a annoncé la semaine dernière qu’il faisait l’acquisition du site de formation Lynda.com, pour un milliard et demi de dollars, il a été abondamment félicité un peu partout – même si certains se sont aussi posé des questions sur le bien-fondé de l’opération et sur le prix, jugé élevé. Pour Forbes, c’est « le meilleur argent que (LinkedIn) puisse dépenser ». Comment Lynda.com, créé il y a vingt ans en Californie pour offrir des cours spécialisée dans certaines disciplines multimédia comme l’animation ou les effets spéciaux, devenue plateforme en ligne en 2004, peut-il contribuer au développement de Linked-In, réseau plutôt généraliste dont le terrain de chasse de prédilection est le management sous toutes ses formes ? Après tout, les plateformes de formation en ligne sont un univers foisonnant où les MOOC (Massively Open Online Courses) bourgeonnent tous azimuts. Comment justifier une telle somme pour une plateforme, reconnue certes, mais qui est loin d’être la seule du genre et dont la spécialité, les disciplines créatives, est loin d’être au cœur des échanges typiques sur LinkedIn ?

Si l’on en croit un contributeur de Lynda.com qui a commenté l’acquisition sur Forbes, l’ingénieur du son Brian Owsinski, le secret de Lynda.com réside dans le niveau d’exigence très élevé auquel doivent se plier ceux qui y proposent des « tutoriels ». Il raconte avoir enregistré 17 cours sur la prise de son et les réseaux sociaux pour Lynda.com depuis 2011 et avoir été impressionné dès ses premiers contacts avec la société pour une « audition » par la qualité des collaborateurs de ce qu’il appelle le « campus » de la plateforme. Les tests auxquels il s’est soumis avant de devenir contributeur régulier de Lynda, face à la caméra et en voix off, mettent la barre très haut : l’accent est mis autant sur la connaissance en profondeur de la matière traitée que sur l’aptitude à la présenter de manière claire et intelligible. Chaque cours est traité par les éditeurs audio, vidéo et effets spéciaux comme « une production de Hollywood, surtout parce que beaucoup d’entre eux ont auparavant travaillé dans l’une des facettes du divertissement de Hollywood », explique Owsinski.

YouTube et d’autres plateformes vidéo sont aujourd’hui un formidable réservoir en matière de clips de formation. On y trouve, avec un peu de chance, des joyaux qui permettent d’acquérir rapidement des connaissances ou des compétences dans des domaines pointus. Mais pour un joyau, il y a vingt clips plus ou moins bricolés. Grâce à l’attention au détail qu’apportent les professionnels de Lynda.com à leurs productions, estime Owsinski, les utilisateurs de LinkedIn y trouveront leur bonheur s’ils veulent rafraîchir leurs compétences ou en acquérir de nouvelles.

Cependant, on ignore pour l’instant comment Lynda.com, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 150 millions de dollars en 2014, dont les deux tiers viennent de consommateurs individuels et un tiers de ventes aux entreprises, sera intégré à l’offre de LinkedIn. On s’attend à ce que les 500 employés de la plateforme de formation soient tous repris par le réseau professionnel et continuent de produire leurs cours en différentes langues. Mais comment feront les deux partenaires pour que l’offre de formation couvre mieux les aires de compétences couvertes par LinkedIn, qui se situent davantage dans la gestion, la finance ou les ressources humaines que dans les domaines créatifs dans lesquelles excelle Lynda.com ?

Une grande inconnue est aussi la manière dont LinkedIn peut espèrer faire payer ses utilisateurs pour l’accès aux formations. Le réseau professionnel a surtout cherché ces dernières années à se positionner comme référence en matière de recrutement, offrant des services premium aux services de ressources humaines comme aux individus en recherche active d’emploi. On peut certes imaginer LinkedIn se transformant progressivement en boutique RH universelle, mais il reste que la très grande majorité de ses utilisateurs se sont habitués à utiliser ses services gratuitement.

Jean Lasar
© 2024 d’Lëtzebuerger Land