Suisse et fiscalité des entreprises

L’Union montre les crocs

d'Lëtzebuerger Land du 06.01.2012

La fiscalité des entreprises constituera assurément le dossier le plus chaud des relations entre l’Union européenne et la Suisse, au début de cette année. Dans un rapport adopté le 19 décembre 2011, les 27 menacent à demi-mot Berne de mesures de représailles au cas où le « dialogue » qu’ils veulent nouer avec elle sur l’application d’un code de bonne conduite ne produirait pas de résultats « satisfaisants » avant l’été.

Le rapport fait le bilan des progrès que l’Union a accomplis au cours du second semestre de 2011 dans le domaine de lutte contre les pratiques fiscales dommageables pour la concurrence − un «code de conduite est d’application depuis 1998, qui a déjà contraint les 27 à démanteler une centaine de régimes favorisant les délocalisations d’entreprises – et fixe certaines lignes d’action pour 2012.

Le texte aurait dû être approuvé le 30 novembre par les ministres des Finances, mais l’Italie ayant exigé à la dernière minute d’en durcir le ton, son adoption (sans discussion, par les ministres de l’Environnement) a dû être reportée au 19 décembre. Rome a convaincu ses partenaires de montrer les dents à la Suisse, qui entretient notamment une vieille polémique avec l’UE sur certains régimes fiscaux cantonaux.

L’Union veut imposer à Berne l’application des cinq « critères » du code européen, qui permettent de déterminer si un régime fiscal est vraiment nuisible, et ses « principes » : outre de démanteler des mesures jugées dommageables, il oblige les États de s’abstenir d’en introduire d’autres qui auraient le même effet.

Les 27 « encouragent » la Commission européenne à engager sans tarder un véritable « dialogue » avec la Suisse sur cette base, qui est toute-fois trop dogmatique pour Berne : au cours d’entretiens exploratoires, elle a annoncé qu’elle accepterait de débattre au cas par cas de certains régimes fiscaux controversés, à l’avenir, mais pas d’appliquer le code dans son intégralité. Le bras de fer paraît donc inévitable, à moins que la Suisse lâche du lest et, surtout, qu’elle fasse diligence.

Dans leur rapport, les 27 répètent en effet que leur objectif n’a pas changé, même si, « dans un premier temps », ils envisagent de concentrer leur dialogue avec la Suisse sur l’identification des mesures fiscales susceptibles d’engendrer des délocalisations d’activités économiques, la recherche de solutions techniques et leur mise en œuvre de commun accord.

« Si des progrès satisfaisants ne sont pas enregistrés dans ce dialogue avant la fin de la présidence danoise de l’UE (le 30 juin 2012), le groupe (de travail des Vingt-Sept sur le code de conduite) suivra d’autres approches, y compris celle d’une évaluation unilatérale des régimes » suisses par le club communautaire, souligne le texte, en ajoutant : « L’Italie déclare clairement que toute évaluation des régimes suisses devra être faite à la lumière des critères du code de conduite et devra respecter tous ses principes. » Ce qui exposera tout aussi clairement Berne à d’éventuelles mesures de rétorsion, si le résultat est négatif.

Tanguy Verhoosel
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