Pénétrer l’atelier de Claire Royer, c’est soudainement oublier la très passante route de Longwy sur laquelle donne la devanture à moulures de cet antre dédié à la poterie. Baigné d’une douce lumière, l’espace s’ouvre sur une jolie verrière devant laquelle trône une grande table de bois clair, une de celles que l’on sait déjà synonyme de convivialité et de générosité. Le long des murs, sur les étagères, les créations de la propriétaire des lieux s’exposent avec élégance, tout en finesse et pastels. Pastel comme le rose du pull de Claire, qui nous accueille tout sourire, derrière son masque. « C’est la méditation qui m’a amenée à ouvrir cet endroit », lance-t-elle.
Diplômée en droit des affaires, la jeune femme quitte sa ville natale de Toulouse pour rejoindre Luxembourg dès la fin de ses études. Elle y fera une belle carrière dans la finance, quinze ans durant. « Et un jour je n’ai plus trouvé de sens à ce que je faisais. J’avais l’impression d’être arrivée au bout d’un cycle, j’avais envie d’autre chose, de plus d’authenticité ». Une prise de conscience, comme une évidence, qui surgit lors d’un cours de méditation de pleine conscience, qu’elle s’octroie en compagnie de deux amies. « Ça a été l’occasion d’un recentrage et d’une réflexion sur ma personne. D’ailleurs, ce cours a eu une incidence sur nos vies à toutes les trois », confie Claire. En lâchant prise, cette dernière repense instinctivement à sa passion de toujours. « J’ai toujours beaucoup aimé toucher la terre, à l’école maternelle déjà, à tel point que mon institutrice avait conseillé à ma maman de m’inscrire à un cours de poterie. C’est comme ça que j’ai commencé, à l’âge de cinq ou six ans. Je n’ai jamais vraiment arrêté depuis, puisque même au Luxembourg, je suivais encore des cours en la matière ».
Déterminée, Claire Royer quitte le confort de son emploi d’alors et décroche en six mois un CAP Tournage en céramique à Paris. Très vite, sa reconversion prend forme : elle ouvrira un atelier où elle pourra pratiquer son art, mais aussi l’enseigner. Et comme toujours quand les planètes sont soudainement alignées, tout se concrétise très rapidement. « J’étais en accord avec mes idées, mes valeurs et j’avais, par mon ancienne profession, de bonnes connaissances administratives pour mener à bien mon entreprise. Très vite, j’ai trouvé ce local que j’ai aménagé dans le style d’un atelier parisien et dès l’ouverture, en septembre 2019, j’ai reçu un accueil très positif de la part des clients et des élèves », relate-t-elle.
Évidemment, l’an passé, l’Atelier a dû fermer ses portes, pandémie oblige. Mais lors de la réouverture, le virus a finalement causé moins de dommages que prévu. « Bizarrement, j’ai eu plus de monde. Je crois que le confinement a permis une prise de conscience par rapport à toutes ces vies qui vont à 200 à l’heure ». Cette envie de penser à soi et de revenir à l’essentiel, Claire la ressent aussi chez les élèves qu’elle encadre et ceux qu’elle initie, le temps d’un week-end, à la technique du tournage. Des femmes, des hommes, des couples de tous âges qui, deux jours durant, passent les mains dans la terre, concentrés sur leur tour de potier. « La poterie a un aspect méditatif, on se sent ailleurs en étant fixé sur ce qu’on fait et c’est une vraie pause dans le quotidien. C’est aussi une autre perception du temps, car avec la terre, on ne peut pas activer les choses. Il faut de la patience, le temps de l’apprivoiser, le temps de maîtriser le geste… Et puis les temps de séchage et de cuisson sont incompressibles. Or nous avons souvent l’habitude d’avoir tout, tout de suite, remarque Claire. Ici on est dans l’artisanat, le fait main et ce n’est pas pour rien qu’il faut un mois pour créer une pièce ».
Ses pièces justement, toutes uniques, sont plébiscitées par les particuliers, qui demandent à Claire de réaliser des services personnalisés, mais aussi par certains restaurateurs. Un établissement étoilé de renom lui a d’ailleurs passée une belle commande… Estampillées made in Luxembourg, ses créations s’inspirent des tendances actuelles, des matières naturelles, de la nature et des couleurs pastel. « J’aime la céramique parce que c’est résistant et en phase avec nos modes de vie, mais aussi la porcelaine, pour son élégance. J’essaie de m’adapter aux tendances de la consommation en proposant des pièces qui répondent à des usages multiples. C’est un contrepied au consumérisme », explique Claire Royer. Sur ses présentoirs se tiennent donc des contenants à utiliser tant pour le café du matin que pour les olives de l’apéritif, des plats à mi-chemin entre l’assiette et le bol pour surfer sur la mode des poke bowl ou, plus intéressants encore, des cafetières en céramique avec filtre intégré, des cruches pour y verser l’eau du robinet ou des beurriers. « En proposant ce type d’objets, j’essaie à ma façon de limiter l’usage du plastique ou des capsules de café chez mes clients ». Une démarche éco-responsable bien pensée, qui donne un sens de plus à son nouveau métier.