En cette veillée de nativité, ayons une pensée pieuse pour Sa Sainteté Benoît XVI, pour qui les peaux de mouton dans lesquelles on (pro)créait jadis les préservatifs sont devenues de dangereuses peaux de banane. Le pape a trébuché en effet sur le condom qui tire son nom, comme le savent tous les pécheurs de la chair, de cette petite ville du Sud-Ouest de la France qui voit paître sur ses pâturages des milliers de brebis. Quoi de plus naturel pour le bon pasteur de l’Église que de s’inspirer de cette métaphore quasi biblique ! De quoi s’agit-il donc ? Dans son dernier livre, le pape admet dans son idiome natal et original qu’exceptionnellement, dans le cas d’un prostitué avec son client, l’usage du préservatif pourrait être le moindre mal. Le moindre mâle, aurait-on dû lire, nous disent alors comme un seul homme les exégètes du Vatican qui condamnent la traduction italienne qui transforme, pine de rien, le prostitué mâle en péripatéticienne femelle. Cela fait mauvais genre, car, dans ce dernier cas, le préservatif reste bien interdit et mis à l’index (sans jeu de maux, prend-on bien soin de préciser du côté de l’Osservatore Romano). En effet, dans le texte original allemand, il ne peut être question de procréation et le préservatif ne préserve que du SIDA, alors que dans la version italienne, éditée urbi et orbi, le latex prévient accessoirement la maladie et avant tout la grossesse. Duralex, sed lex, la loi de la traduction est, sinon dure, du moins sévère.
L’exemple même des écritures aurait cependant dû mettre en garde le savant Benoît XVI contre les dangers de la traduction, car la légende des septante apprend à tous les hommes de bonne volonté qu’une traduction digne de foi ne saurait être que le produit d’un miracle. On connaît l’histoire des soixante-dix sages juifs d’Alexandrie, enfermés chacun seul dans sa cabane pour traduire en grec la bible écrite en hébreu. Soixante-dix jours plus tard, ils ressortirent de leur isolement avec, chacun sous le bras, exactement, à la virgule près, la même traduction. Selon une légende talmudique, les ténèbres auraient ce jour-là recouvert la terre en guise de châtiment, car l’homme ne saurait s’affranchir de la malédiction multilingue dont Dieu le frappa depuis le péché de Babel. Il n’y a guère que le Saint Esprit de la Pentecôte qui puisse délivrer l’humanité chrétienne de ce malheur. Les musulmans, eux, continuent à être les victimes malheureuses d’une funeste erreur de traduction qui fait miroiter aux kamikazes les jouissances célestes de soixante-dix vierges, alors que le texte original parlerait de soixante-dix … grains de raisin.
« Traduttore, traditore », disent les Italiens qui s’y connaissent en amour, religion et magouilles. Morale de l’histoire en ces jours de Noël : les propos du Pape étaient une tempête de sable de Bethléhem dans un présentoir d’eau bénite. Et la morale de cette morale : si le pauvre Joseph n’avait pas écouté les élucubrations des successeurs de Pierre, sa dulcinée Marie n’aurait pas eu besoin de recourir à l’insémination artificielle.
Yvan
Catégories: Maux dits d'Yvan
Édition: 09.12.2010