Carnet de voyage d’un ministre en représentation, mardi, lors de sa randonnée touristique et culturelle dans le sud du pays

Le poinçonneur du Fond-de-Gras

Eric Thill, mardi, au Fond-de-Gras
Photo: Sven Becker
d'Lëtzebuerger Land du 08.08.2025

Eric Thill est partout. Le fil Instagram du ministre libéral de la Culture, également ministre-délégué au Tourisme, est alimenté presque tous les jours. Il visite, rencontre et serre des mains comme rarement ministre avant lui. Politique ambitieux, l’homme de 31 ans doit se construire une réputation auprès des électeurs, mais aussi une légitimité. Ses liens avec la culture et le tourisme ne sautent toujours pas aux yeux, mais il faut reconnaître qu’il met du cœur à l’ouvrage.

Mardi, sa randonnée touristique annuelle en compagnie de la presse avait lieu dans le sud du pays. Première étape : le Parc Merveilleux de Bettembourg sous une pluie battante. Lui arrive en voiture de fonction, les journalistes en bus. La petite troupe attend le directeur du parc, Marc Neu, sous les parapluies ou vaguement à l’abri sous le porche d’entrée. Il arrive, accompagné du bourgmestre Laurent Zeimet (CSV) et de l’échevin Gusty Graas (DP). Avec 127 464 visiteurs entre janvier et mai, le parc confirme sa première place au classement des sites les plus populaires du pays.

On passe devant une nouvelle petite attraction, dont l’entrée est surmontée d’un panneau « Labyrinthe Raiffeisen ». Elle s’ajoute au Raiffeisen Haff (encore elle), au grand Yuppi (Cactus), au bus Émile Weber et son toboggan, à l’avion Luxair, au SudEnergy trail, à la balançoire pour fauteuil roulant Enovos et à l’aire de jeux CMCM. Ce matraquage publicitaire n’a pas l’air de gêner grand monde. Au Parc Merveilleux, quand on vient en famille pour voir les animaux, il est impossible de couper avec les travers de la société de consommation.

La visite se poursuit direction Pétange, pour une déambulation à travers le deuxième site le plus visité du pays avec 115 941 entrées lors des cinq premiers mois de l’année : le Minett Park, au Fond-de-Gras. Installé sur les banquettes confortables d’un train à vapeur qui circule entre la gare de Pétange et le site historique, Eric Thill devise l’air très concerné avec les bénévoles de l’association Train 1900, qui font vivre ces machines. Lorsque la loco fait un stop en lisière de forêt, le ministre se lève et distribue les images du projet de Zuchmusée à ses voisins, dont le directeur de l’Institut national pour le patrimoine architectural Patrick Sanavia, simplement pour qu’ils les montrent aux journalistes. « C’est sur ce terrain que le Centre national pour le patrimoine ferroviaire sera construit », avance-t-il solennellement (lire aussi en page 18).

Envolées lyriques

À l’arrivée en gare du Fond-de-Gras, photo obligatoire. Le ministre observe l’avant du train, hésite un peu, puis se décide à grimper sur le nez de l’antique loco. Juste devant la cheminée qui livre son panache de vapeur, il ajuste sa chemise bleue, puis sa veste grise avant d’offrir son plus beau sourire au caméraman et aux photographes. En matière de communication, c’est certain, Eric Thill sait y faire.

En route entre deux halls, à la demande du Land, il se remémore son premier passage ici. « J’étais tout petit, c’était il y a vingt ans avec mon grand-père (qui a été échevin DP de Schieren avant qu’Eric Thill en soit le bourgmestre, ndlr). Il était enrôlé de force et avait combattu pour les Allemands en Pologne. Blessé à l’épaule, il connaissait le poids de l’Histoire et il a toujours voulu nous transmettre cette connaissance du passé. Avec mes deux sœurs, il nous a souvent emmenés faire des visites qui mêlaient culture et patrimoine. » Le story telling est aux petits oignons. Depuis, il a compté, il est venu six fois au Fond-de-Gras, « dont deux ou trois avec l’école, des sorties que j’ai toujours adorées ! »

Devant les bénévoles, il est dithyrambique. « Sans vous, sans votre travail, ce patrimoine n’existerait pas alors qu’il a été essentiel à la construction de l’identité luxembourgeoise. » Son emphase sur la question identitaire étonne, il l’a martelera tout au long de la visite. Ses remerciements envers les membres des associations Train 1900 et Minieresbunn Doihl sont enflammés : « Ils se dévouent toute l’année, ne comptent pas leurs heures, en semaine, le week-end. C’est compliqué d’être bénévole, surtout qu’ils ne sont pas assez nombreux. Ma conviction est que le gouvernement doit assumer ses responsabilités envers eux. Nous devons renforcer notre collaboration financière. » (Le ministère précisera le lendemain que l’association Minieresbunn Doihl a reçu 3,8 millions d’euros depuis 2001 et que 8,4 millions sont déjà engagés et budgétisés, alors que l’ASBL Train 1900 a, elle, reçu 4,9 millions depuis 2021, tandis que 5,2 millions sont promis pour les projets en cours et à venir.)

Les membres des deux associations ne s’attendaient peut-être pas à tant d’envolées lyriques sur leurs mérites et les difficultés qu’ils rencontrent. Surtout qu’ils ne tenaient pas exactement le même discours sur le recrutement de leurs membres. Si la Minieresbunn Doihl admettait chercher de nouveaux volontaires, Olivier Broy (membre du conseil d’administration de l’association Train 1900), se félicitait de la dynamique actuelle. « Nous recrutons de nouveaux membres, dont des jeunes. Nous n’avons pas de soucis. » Le « chef de gare » du Fond-de-Gras explique que les origines sociales sont diverses, « nous avons de tout : des mécaniciens, des menuisiers, mais aussi des banquiers ou des fonctionnaires. »

La Groussgasmaschinn en stand-bye

Si le tourisme post-industriel a sûrement de l’avenir dans le sud du pays, Éric Thill n’a toutefois pas en tête toutes ses potentialités. Il n’a pas su répondre, par exemple, à une question sur le devenir de la Groussgasmaschinn (GGM 11), censée héberger le Science Center de Differdange. « Je ne connais pas », a-t-il reconnu face au Land. « Je me renseigne et je vous recontacte demain ». Mercredi, son ministère maintenait le brouillard : « Concernant le réaménagement de la halle de la Groussgasmaschinn à Differdange, nous ne disposons à ce jour d’aucune information complémentaire à vous communiquer. »

La renaissance compliquée de la GGM 11, classée monument national en 2008, est pourtant un vrai sujet. En off, on apprenait que le Science Center allait reporter son déménagement de l’ancienne Léierbud de l’Arbed vers le grand hall de la Groussgasmaschinn. L’idée est de laisser le temps de s’installer à la nouvelle équipe de direction, qui prend la suite de l’initiateur du projet, Nicolas Didier, dégagé par le gouvernement pour cause de conflits d’intérêts. L’avocat spécialiste de la propriété intellectuelle était à la fois directeur du Science Center, président de son conseil d’administration et propriétaire de la société GGM11, prestataire externe au projet. Eric Thill a donc encore du travail. Et d’autres mains à serrer.

Chiffres record pour le tourisme

Éric Thill a profité de cette sortie pour présenter le bilan touristique de 2024 et celui des cinq premiers mois de cette année. « Le trend est positif puisque nous avons enregistré 3,6 millions de nuitées, un record absolu », s’est-il félicité. Avec plusieurs nouveaux hôtels récemment ouverts en Ville (Marriott Alpha, Villa Pétrusse), à Weiswampach (Anatura) ou à Schengen (Château de Schengen), mais aussi la rénovation de plusieurs auberges de jeunesse, les prévisions sont optimistes. Entre les mois de janvier et mai, le nombre de séjours à d’ailleurs encore augmenté de trois pour cent par rapport à 2024. Les réservations pour les mois à venir sont également très encourageantes, selon Thill. Le ministère de l’Économie indique que le tourisme représente 0,8 pour cent du PIB national et plus de 40 000 emplois directs. 

Erwan Nonet
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