Retraites

Les femmes vulnérables

d'Lëtzebuerger Land du 11.11.2011

En supplément à son étude 2011 sur la préparation de la retraite dans le monde, la banque HSBC a publié en octobre un document intitulé La retraite, une affaire de familles, qui montre que les femmes sont potentiellement beaucoup plus exposées que les hommes aux problèmes financiers lorsqu’elles prennent de l’âge.

Menée auprès de plus de 17 000 personnes dans 17 pays à travers le monde par le cabinet britannique Cicero Consulting, l’étude, qui fait la part belle aux pays asiatiques1, s’est intéressée aux différences majeures qui peuvent exister dans la préparation de la retraite selon le type de foyers et entre les sexes. Elle met l’accent, quel que soit le pays, sur l’impréparation à la retraite, surtout du côté des femmes : seules 44 pour cent d’entre elles, contre 54 p.c. des hommes, ont déclaré avoir mis en place un plan financier pour leur avenir et celui de leur famille (proportions qui sont respectivement de 55 p.c. et de 62 p.c. chez les personnes mariées). Mais même dans ce cas, on constate d’importantes lacunes, les auteurs du rapport notant que « les besoins financiers générés par les évènements familiaux et les aléas de la vie ne sont pas correctement anticipés ».

Cette situation est d’autant plus préjudiciable que les femmes vivent en moyenne six ans de plus que les hommes et que leur période d’inactivité est donc plus longue après le départ en retraite. Résultat : à 50 ans, une femme sur deux, contre un homme sur trois, associe cette période à des difficultés financières.

Les obstacles rencontrés par les femmes pour se constituer une retraite décente sont nombreux. C’est une évidence pour celles qui restent au foyer, mais les actives sont également concernées. Leurs cotisations sont limitées par les périodes d’arrêts de travail, ou de travail à temps partiel, liées à la nécessité de concilier leur vie professionnelle et familiale : les femmes sont plus susceptibles que les hommes de cesser de travailler à un certain moment pour avoir des enfants, ce qui occasionne un important manque à gagner, à court ou à long terme, évoqué par 47 p.c. d’entre elles dans le monde contre 15 p.c. des hommes (dont les périodes d’interruption sont surtout liées au chômage).

La place prise par la vie de famille éloigne les femmes de la préoccupation de la retraite et réduit même leur capacité d’épargne. Celle-ci (à supposer qu’elle existe) sert prioritairement aux enfants, quand ils vivent au foyer et même au-delà . En effet ,dans le monde, transmettre de l’argent ou des biens aux enfants reste essentiel pour les hommes comme pour les femmes, malgré d’importantes différences culturelles : en France, 79 p.c. des femmes jugent important ou très important de le faire, une proportion qui n’est que de 58 p.c. au Canada.

Les femmes sont également moins impliquées que les hommes dans la planification de la retraite. Cela résulte de la séparation traditionnelle des rôles dans le couple. Les hommes sont encore souvent en charge des postes budgétaires lourds (remboursement des emprunts, loyers, grosses dépenses) alors que la responsabilité des femmes se porte plus sur le quotidien. La moitié des hommes sont enclins à se considérer comme meilleurs experts en matière financière que leurs compagnes.

Le budget du foyer est le seul domaine où les femmes sont davantage décisionnaires que les hommes : près de deux sur cinq dans le monde (37 p.c.) assument seules cette responsabilité, contre 34 p.c. des hommes, mais l’écart entre les sexes tend à s’estomper chez les couples de moins de 40 ans, avec des hommes qui s’impliquent davantage que leurs pères dans la gestion du budget.

Cette séparation des rôles se retrouve dans la planification de la retraite, domaine où l’homme garde un rôle prédominant. Dans le monde, quatre hommes sur dix déclarent être les seuls responsables de cette mission dans leur famille, contre une femme sur quatre. Dans un ménage sur trois, les rôles sont partagés. Les pays asiatiques sont très égalitaires, le Brésil et les pays du Moyen-Orient les plus machos, les pays anglo-saxons donnant une surprenante position favorable aux hommes.

La disparité entre les sexes en ce qui concerne la préparation de la retraite se rencontre dans toutes les tranches d’âge, ce qui laisse à penser que les attitudes et les comportements en matière de finances familiales ne varient guère au fil du temps. Le manque d’engagement des femmes dans ce domaine tient à nouveau à la place prise par les enfants, l’étude montrant que les femmes jouent un rôle moins actif dans la planification financière du ménage une fois que les enfants arrivent, ce qui n’est généralement pas le cas pour les hommes lorsqu’ils deviennent pères.

Près d’une personne interrogée sur deux dans le monde (44 p.c., sans différence entre hommes et femmes) se repose sur ses économies en liquidités (dépôts à vue) pour financer sa retraite, 24 p.c. des hommes et 18 p.c. des femmes utilisant des OPC, avec de fortes réticences pour investir dans des produits financiers procurant de meilleurs rendements.

Ces chiffres, qui révèlent une inadéquation entre la structure du patrimoine financier des ménages, composé de produits à court terme, et leurs besoins financiers à long terme, s’expliquent notamment par la crise financière, qui a entamé la valeur des placements, et donc la confiance dans les marchés boursiers. Pour préparer la retraite, la sécurité (donc, paradoxalement, le court terme) est désormais préférée à la performance.

Cette frilosité vaut surtout pour les ménages des pays développés. Les Asiatiques, moins affectés par la récession que les Occidentaux, ont une plus grande appétence au risque. La différence entre les hommes et les femmes est nette sur ce plan. 39 p.c. des femmes se déclarent prudentes, contre 25 p.c. des hommes. Comme preuve, elles sont 18 p.c. globalement (contre 13 p.c. des hommes) à penser qu’investir en actions est extrêmement risqué. Dans tous les pays étudiés, sauf la Chine, l’aversion au risque est plus forte chez les femmes, le record étant détenu par les Françaises : 59 p.c. d’entre elles se qualifient de prudentes pour 40 p.c. des hommes. Dans dix pays sur 17, l’écart entre les femmes et les hommes est supérieur à dix points.

La prudence des femmes se retrouve enfin dans les comportements d’investissement, avec des hommes plus enclins à adopter une approche autonome, faisant confiance à des sites Internet ou à leur propre instinct, se fondant aussi leurs propres calculs (46 p.c. contre 42 p.c. pour les femmes). Les femmes sont plus susceptibles de demander conseil à une autre personne – qu’il s’agisse d’un membre de la famille, d’un ami ou de leur conseiller bancaire.

1 Sur les 17 pays sélectionnés pour l’étude, on compte sept pays d’Asie (Chine, Inde, Corée du sud, Taïwan, Malaisie, Singapour, Hong-Kong), alors que l’Europe n’est représentée que par le Royaume-Uni, la France et la Pologne. On trouve trois pays d’Amérique Latine (Argentine, Brésil, Mexique), deux d’Amérique du Nord (États-Unis, Canada) et deux du Moyen-Orient (Arabie Saoudite, Émirats Arabes Unis). Dans chaque pays, on a interrogé 1 000 personnes actives, vivant en zones urbaines, avec un niveau d’éducation supérieur à la moyenne et un accès à Internet. L’enquête a été menée en ligne en décembre 2010.
Georges Canto
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