La Lettonie, la Slovaquie et la Slovénie ont un point commun. À eux trois, ces pays cherchent six juges à envoyer à Luxembourg. C’est beaucoup. Recap : Le juge letton Egils Levits a plié bagage après avoir été nommé président de son pays. Un petit mois de préavis en juin 2019 et le voilà parti. Un juge ou un avocat général en partance doit attendre l’arrivée de son remplaçant. C’est la règle. Stricte mais mise à mal à plusieurs reprises. L’antécédent célèbre a été celui du juge italien au Tribunal européen Enzo Moavero Milanesi qui, du jour au lendemain, a disparu de la Cour sans prévenir, happé par le gouvernement de Mario Monti qui l’a nommé ministre. Ses collègues n’en sont pas revenus ! Le gouvernement letton cherche aussi un successeur à Ingrida Labucka, juge au Tribunal européen depuis 2004, date de l’accession de son pays à l’UE. Elle est partie en février dernier. En catimini. Quatre mois après la fin de son mandat, sans attendre son remplaçant et sans que le gouvernement letton ou la Cour veuille en donner la raison. Connue au tribunal pour ses vacances prolongées à répétition, elle n’y a pas laissé un souvenir impérissable.
Selon des experts cités par la presse lettonne ce n’est pas « une grande tragédie » si la Cour doit attendre un peu les remplaçants des juges manquants. Il n’y a pas de date limite, le plus important étant de trouver un bon candidat. Dans la presse, la présidente de la Cour constitutionnelle lettone Ineta Ziemele dit admettre « que le processus de sélection du personnel judiciaire européen est plus difficile pour les petits pays car ils ont moins de choix, mais il
peut être difficile à la Cour de fonctionner s’il lui manque plusieurs membres ». C’est vrai à la Cour car les juges nationaux posent des questions de droit européens complexes dans des affaires dont le nombre à tendance à augmenter mais certainement pas au Tribunal où le doublement du nombre de juges décidé par l’UE en 2015, pour une charge de travail plus ou moins équivalente, rend tout relatif le volume de travail imposé aux juges.
La Slovaquie doit trouver deux juges sur les trois qui lui reviennent. Pour octobre 2021, le mandat de Daniel Svaby à la Cour ne sera pas renouvelé. Au Tribunal il lui manque toujours le nouveau juge que lui a offert la réforme de 2015. Elle n’arrive pas à le trouver. Une histoire rocambolesque. Le comité dit 255 – l’article du Traité UE qui l’a créé – recale coup sur coup les quatre candidats successifs proposés par le comité judiciaire slovaque. Selon certains, il s’agirait de forcer le conseil judiciaire à lui présenter l’ancien avocat général à la Cour, Jan Mazak, qui a été rayé de la short list à quatre reprises par ledit conseil. Récemment, Mazak a jeté l’éponge. Il s’est présenté et a été nommé membre puis président du fameux conseil qui l’a snobé. Il a commencé à y faire le ménage ! Avant d’accéder à cette charge, il avait assuré qu’il renonçait à toute ambition européenne. Les candidats aux postes européens se raréfient.
Autre pays à ne pas être au bout de ses peines, la Slovénie. Elle vient de présenter au comité 255 un professeur de droit civil et commercial à l’Université de Ljubljana. Klemen Podobnik attend sa convocation pour passer devant le comité 255. Il faut aussi à la Slovénie un second juge pour remplacer Miro Prek, pris dans une histoire de violence extra conjugale. Trop heureuse de s’en débarrasser, la Cour l’avait autorisé à partir sans attendre son remplaçant. La procédure qui devait départager un professeur de droit, Jure Vidmar, et une référendaire à la Cour, Nina Savin Bossière, est tombée à l’eau après que le Parlement slovène n’a pas pu les départager. Il faut tout recommencer. Autre nouvelle, côté grec. Athènes propose Athanasios Rados, du Conseil d’État, pour remplacer l’avocate générale britannique Eleanor Sharpston laquelle fait un procès à l’UE pour pouvoir rester jusqu’en 2021. De la bagarre en perspective.
Enfin la vice-présidente de la Cour Rosario Silva de Lapuerta partirait l’année prochaine. Pour la remplacer, les milieux espagnols parlent de Luis María Díez-Picazo Giménez. Imposé à la tête de la troisième chambre de la Cour suprême espagnole en 2015, ce magistrat a aussi fait la une des journaux en 2018, lorsque sa chambre a rendu un arrêt jugeant qu’une taxe hypothécaire en vigueur doit être payée par les banques. Celles-ci s’affolent. Diez-Picazo suspend alors les effets de cet arrêt et convoque la chambre en plénière laquelle rend aussitôt un arrêt en sens contraire. Ce sont les clients qui paieront. Tollé dans la presse et chez les magistrats. Fin de l’histoire. Mais l’année suivante, le président de la Cour de justice Koen Lenaerts le choisissait, avec un magistrat allemand, Klaus Renner, pour rédiger le rapport à présenter à l’UE fin 2020 sur le bien-fondé de la réforme du Tribunal de 2015. Pourquoi choisir ce magistrat controversé ? Pour bien faire, le président Lenaerts devrait rendre public son critère de sélection.