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Les appels manqués, un modèle d’affaires

d'Lëtzebuerger Land du 23.01.2015

Twitter a annoncé cette semaine l’acquisition de la startup indienne ZipDial, qui a réussi à transformer la pratique très répandue dans les pays émergents des « appels manqués » en vecteur de marketing. De nombreux géants de l’Internet sont confrontés à un problème de taille lorsqu’ils essaient d’atteindre les populations des pays émergents. Même lorsque ces populations s’équipent en téléphones portables, nombreux sont ceux qui ne disposent pas de revenus suffisants pour s’offrir un abonnement incluant les données. Les utilisateurs les plus pauvres n’ont même souvent pas les moyens d’effectuer autant d’appels voix ou d’envoyer autant de SMS qu’ils le souhaiteraient, ce qui a débouché sur la pratique dite des « appels manqués » : au lieu d’effectuer un appel ou d’envoyer un texto, on fait brièvement sonner le portable de son correspondant, ce qui n’engendre pas de frais. Cet appel manqué – en Afrique francophone, cela s’appelle « bipper » – permet d’identifier l’appelant et peut signifier « rappelle-moi », « je suis bien rentré », « rendez-vous à l’endroit habituel » ou tout autre message convenu d’avance.

En Inde, la startup Zipdial, basée à Bangalore, a eu l’idée de transformer cette pratique en support de marketing, en permettant aux utilisateurs d’effectuer un tel appel manqué depuis leur portable vers un numéro figurant sur un vecteur publicitaire ou annoncé durant une émission télévisée, et qui leur permet, sans rien dépenser, d’être contacté par un service de ventes, d’obtenir un renseignement, de participer à un concours, etc., que ce soit par appel vocal ou par texto.

Quel rapport avec la plateforme de microblogging ? Twitter et Zipdial ont déjà eu l’occasion de collaborer, ce qui donne une idée de comment ces « missed calls » peuvent aider Twitter à conforter sa présence dans le sous-continent. Les deux entreprises ont ainsi collaboré lors des élections indiennes, sur la promotion de films de Bollywood et pour une campagne de MTVIndia. Le montant de la transaction n’a pas été publié. Selon la publication spécialisée Techcrunch, qui rapporte la rumeur que Facebook était aussi dans la course pour acheter la jeune pousse, il s’agirait de quarante à cinquante millions de dollars. Le fait que Zipdial ait été cofondée et soit dirigée par une expatriée américaine, Valerie Wagoner, aura sans doute facilité les choses.

Le modèle d’affaires de Zipdial peut donc aider à surmonter la fracture digitale entre Nord et Sud, que l’on pouvait croire en voie de résorption grâce à la pénétration galopante des réseaux cellulaires, mais qui en réalité reste béante du fait du faible pouvoir d’achat d’un grande partie des populations du Sud.

A ce stade, les deux entreprises ne révèlent pas grand chose sur leurs projets. On en est donc réduits à tenter de déceler leurs intentions dans leurs déclarations de relations publiques. Valerie Wagoner, la sémillante CEO de Zipdial, a fièrement proclamé : « Notre ambitieux objectif est de rendre accessible le contenu unique et formidable de Twitter à cent pour cent des utilisateurs de mobile du monde entier, y compris ceux des marchés émergents qui vont avoir pour la première fois l’expérience de l’Internet mobile ». Christian Oestlien, de Twitter, n’a pas été en reste : « Au cours des prochaines années, des milliards de gens vont arriver en ligne pour la première fois dans des pays comme le Brésil, l’Inde ou l’Indonésie. Pour beaucoup d’entre eux, leur première expérience en ligne sera sur des appareils mobiles – mais le coût des données peut les empêcher de vivre la véritable puissance d’Internet. Twitter, en partenariat avec Zipdial, peut rendre des contenus formidables accessibles à tous ». Ce n’est pas parce que Zipdial n’a coûté « que » quarante ou cinquante millions de dollars qu’il faudrait se donner des objectifs modestes…

Jean Lasar
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