Édito

De l’attitude

d'Lëtzebuerger Land du 30.11.2018

En 2009, le Luxembourg a enregistré 505 nouvelles demandes de protection internationale (DPI). Le chiffre a doublé cinq ans plus tard, un millier de nouveaux demandeurs ont déposé une telle demande d’asile en 2013 et en 2014, ils venaient essentiellement des Balkans et se voyaient dans la majorité des cas refuser l’asile. C’était avant ce que les politiques appellent « l’afflux massif » de Syrie, d’Afghanistan ou d’Irak, à partir de 2015. Jusqu’au 31 octobre de cette année, quelque 1 700 personnes avaient déposé une demande d’asile auprès du ministère des Affaires étrangères. Le budget pour la « prise en charge, entretien et encadrement des DPI » de l’Olai (Office luxembourgeois de l’accueil et de l’intégration) a littéralement explosé : de treize millions d’euros en 2015 à 43 millions cette année. Le ministre des Affaires étrangères Jean Asselborn (LSAP) est un des derniers politiques européens à défendre passionnément les migrants et leurs droits les plus évidents inscrits dans les conventions européennes. « Le Luxembourg fait beaucoup dans ce domaine », concéda donc Gilbert Pregno, le président de la Commission consultative des droits de l’homme lors de la présentation de son rapport sur les conditions d’accueil des DPI au Luxembourg. Il a beaucoup fait, mais…

La CCDH s’est autosaisie pour une analyse de la situation concrète sur le terrain, dans les foyers. Elle a travaillé avec les ONGs actives dans le domaine, vu des professionnels, interviewé des DPI et visité des foyers. Et son rapport est édifiant à plus d’un titre. Parce que les défenseurs des droits de l’homme constatent ces détails qui, de prime abord, peuvent sembler dérisoires, mais qui, au quotidien, sont inacceptables. Comme la différence de traitement selon qu’une personne se retrouve dans un foyer neuf ou dans une vielle baraque vétuste comme le Don Bosco, qu’elle a droit à une chambre privative ou est parquée dans un dortoir ou une ancienne salle de gym où les lits sont délimités par des rideaux ou tapis. Certains DPI ont la possibilité de faire eux-mêmes la cuisine, d’autres doivent obligatoirement s’approvisionner auprès d’un magasin sur roue aux prix fantaisistes. Certains logent au Limpertsberg, mais la grande majorité se retrouve dans des foyers si éloignés des agglomérations que leurs habitants se considèrent comme complètement isolés. Les relogements sont fréquents et jamais ni annoncés ni expliqués. L’accès aux soins de santé, à l’information quant au statut de leur demande, à l’assistance judiciaire et encore plus au travail sont complètement aléatoires au lieu d’être ce droit que garantissent les législations. Alors que le duo Corinne Cahen (DP, à la Famille) et Jean Asselborn (LSAP, à l’Immigration) avait annoncé de nettes améliorations dans l’accueil avec la réforme de 2015, visant notamment une plus grande autonomisation des DPI, ils avaient fait marche arrière après une opposition formelle du Conseil d’État – et plus jamais fait de deuxième tentative. « On constate aujourd’hui une très grande dépendance des DPI des allocations mensuelles », regrette le juriste Olivier Lang du CCDH. Des allocations si insuffisantes que les demandeurs sont forcés d’aller quémander des bons pour pouvoir assouvir leurs besoins vitaux, comme ceux de santé et d’hygiène auprès de l’Olai, qui gère ces bons « de façon discrétionnaire », selon Lang. Ce qui génère aussi une charge administrative énorme pour l’Olai, qui, après un élan de dynamisme lors de l’arrivée du nouveau directeur Yves Piron, semble retombé dans ses vieux travers d’un manque de transparence et d’un excès de contrôle.

Malgré toutes les réformes, la peur de l’abus du droit d’asile semble toujours prédominer dans la gestion des demandes, les vulnérabilités étant souvent sous-estimées, voire aggravées. C’est par un grand Merde alors ! que Pregno s’offusqua alors mercredi devant la transgression la plus choquante constatée par le CCDH et les ONGs avec lesquelles elle travaille : la pratique « éthiquement inconcevable et médicalement injustifiée » de prendre des photos des organes génitaux de jeunes adultes non accompagnés et se disant mineurs afin de déterminer leur âge. Qui ajoute une humiliation supplémentaire à un parcours déjà traumatisant. Outre le fait que cette pratique n’a aucune valeur scientifique, elle est humainement inacceptable. Dans une prise de position, le ministère confirme et défend la pratique.

josée hansen
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