Family offices

Le cinquième élément

d'Lëtzebuerger Land du 28.10.2011

La taxinomie des professionnels du secteur financier va bientôt s’enrichir d’une catégorie supplémentaire, celle des family offices, qui, en schématisant à l’extrême, sont une sorte de conciergerie pour les grandes fortunes où l’homme de confiance, i.e. le family officer, gère l’intendance, de la fiscalité à l’allocation d’actifs en passant par la surveillance des actifs mobiliers et immobiliers jusqu’aux questions de succession, voire de scolarité des enfants.

Il y aurait une carte à jouer pour la place financière luxembourgeoise pour devenir une des « capitales européennes des family offices » et le ministre des Finances Luc Frieden (CSV) n’a pas l’intention de laisser filer cette chance entre d’autres mains, même si les ambitions sont sans doute largement sur-formatées. Il a donc appuyé vendredi devant ses collègues au Conseil de gouvernement l’initiative que lui avaient soumise les dirigeants de la Luxembourg association for family offices (Lafo), afin de réglementer l’activité, la reconnaissance d’un statut à part entière étant à leurs yeux un préalable à son développement.

Le projet de loi a été adopté par les ministres et doit désormais passer le cap de la Chambre des députés. Le texte ne devrait pas susciter de grand débat politique, ni présenter de difficultés majeures d’un point de vue juridique.

L’idée de réglementer l’activité de family office n’a pas fait l’unanimité partout sur la Place, à commencer par la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF). Son directeur général, Jean Guill, n’a jamais été très chaud à la création d’une nouvelle catégorie de pro-fessionnels du secteur financier, alors que l’offre actuelle à disposition des professionnels suffit déjà à ses yeux aux besoins de ceux qui voudraient se lancer dans cette activité. Les opérateurs du secteur financier, à commencer par les banquiers, sont restés neutres dans leur appréciation. Luc Frieden a donc cédé aux sirènes des dirigeants de la Lafo, qui considèrent que le prix à payer pour un déploiement international des family offices à partir de la base grand-ducale commence par la reconnaissance d’un statut à part. Ce sera d’ailleurs une première en Europe.

Les représentants de l’association, née il y a un an, ont planché sur la faisabilité du projet dans le cadre d’un groupe de travail au sein du Haut comité pour la place financière, présidé par Luc Frieden. Le ticket d’entrée pour accéder à la profession réglementée de family office « pur » est fixé à 50 000 euros et les conditions de « moralité » et de conduite seront identiques à celles des autres professionnels de la place, notamment en matière de lutte contre le blanchiment.

À l’heure actuelle, l’activité de FO est ouverte à n’importe quel quidam. Pour y mettre de l’ordre, la première étape fut de créer, en juin 2010, une association de professionnels et de définir le métier et ses codes. La seconde étape est le fruit d’un travail de lobbying auprès des autorités luxembourgeoises. « Quoi de plus logique pour le Luxembourg, place financière intégrée à part entière dans l’Union européenne, que de se prévaloir du statut de capitale européenne des family offices et du label de centre financier préféré des grandes fortunes pour la coordination des services y afférents, soulignait récemment Bernard de Merode, l’un des fondateurs de Lafo. « Cela implique de la part du pouvoir politique en place, poursuit-il, une volonté de rehausser la qualité des intervenants par une législation adéquate qui leur donnerait une visibilité internationale plus grande qui leur manque cruellement aujourd’hui. »

La mise en place d’un cadre législatif pour les family offices « purs » contribuera sans doute, et c’est le but, à faire le tri sélectif parmi les officines opérant au grand-duché, à l’instar de ce qui s’est produit au début de la décennie 2000 avec les domiciliataires. Beaucoup avaient disparu après que l’activité fut réglementée.

Le poids économique de l’activité des family offices est actuellement modeste : une étude publiée par le Private banking group, un des clusters de l’ABBL, évaluait il y a deux ans les actifs détenus par les officines de FO à 10 milliards d’euros, soit une part infime (trois pour cent) du marché de la gestion patrimoniale privée au grand-duché.

Véronique Poujol
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