Hemmen, Émile. Nocturnes

Le printemps d’un poète

d'Lëtzebuerger Land du 02.01.2015

L’agence de promotion culturelle mediArt aime à instaurer des dialogues. Qui peuvent être intergénérationnels ou, comme c’est plus fréquemment le cas, qui peuvent mettre en résonnance divers médiums artistiques. C’est à une combinaison des deux que se livre actuellement mediArt dans son espace d’exposition en y accueillant des encres de chine de Roger Bertemes, qui aurait aujourd’hui 87 ans, et des sculptures de Misch Feinen, jeune trentenaire. Il en va de même dans sa dernière publication où cohabitent poésie et musique. Le recueil de poèmes d’Émile Hemmen intitulé Nocturnes est en effet augmenté des Nocturnes de Chopin interprétés par Romain Nosbaum.

Pour la bonne raison que ces derniers ont été sources d’inspiration pour le poète, une clé de lecture que la préface de l’ouvrage se garde malheureusement de mentionner. Il conviendrait donc d’écouter Chopin avant de lire Hemmen. À part que le CD joint est l’enregistrement de la manifestation publique qui a eu lieu dans le cadre du dernier Printemps des Poètes, soit une alternance des poèmes de Hemmen dits par Charles Suberville et de quelques Nocturnes joués par le jeune pianiste. L’intention événementielle est louable, mais le lecteur qui aurait aimé trouver par lui-même des cohérences est perdant.

Que nous racontent les Nocturnes de Chopin ? La nuit. Qui est si propice aux divagations de l’âme et du cœur et où le rapport au temps devient incertain.

Les Nocturnes d’Émile Hemmen sont eux aussi intimes (Redire l’amour, / la terre, le ciel, / mes chats, mes rêves). D’emblée, ne serait-ce que par la dédicace à Marie-Jeanne, l’épouse aimée, à qui il clame « Nous vieillirons » même si est venue « … l’heure /où nos désirs / prennent leur couleur de lune. » Et formellement. Certains poèmes, en plus d’être dactylographiés, nous sont offerts dans leur jus, manuscrits, d’une écriture nerveuse, mais limpide, propre aux instituteurs.

Le temps y est aussi omniprésent. Ressurgissent moult souvenirs qui remontent jusqu’à la petite enfance. Souvent chargé de notes mélancoliques, mais accepté (Accrochons-nous / à la dernière bouée / avec ces fleurs nocturnes / qui vont mourir / à l’aube). Règne l’hésitation entre le lent passage vers le jour chargé d’espoir (L’attente / que rien ne puisse troubler / cette innocence cosmique) et le noir de la fin ultime qui approche (Poème-miroir /où sonne le glas).

Mais si le nonagénaire Émile Hemmen veut rester fidèle à Chopin, il lui reste une vie devant lui car quatorze Nocturnes à créer.

Émile Hemmen, Nocturnes, mediArt, Luxembourg 2014, ISBN 978-99959-817-1-6
Lore Bacon
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