Faber, Véronique: The Great Alex Weyer

Que 1 600 fleurs s’épanouissent

d'Lëtzebuerger Land du 21.09.2012

La légende veut que le 16 octobre 1894, au Havre, Jean Wolf, dit « le roc de Luxembourg » cassait le cou à un lion qui venait de tuer un ours de foire. Le même personnage dissuadait ses provocateurs en poussant un clou à travers les portes de bistro avec sa main nue. Vers la même époque, aux États-Unis, Alex Weyer, un jeune homme de Mondercange, avait surenchéri dans la démonstration de force brute. Dans sa nouvelle biographie The Great Alex Weyer, Véronique Faber cite le grand Houdini : « [Alex Weyer] trat damals als Starker August auf, und seine Spezialität bestand darin, mit blossen Händen Nägel durch 2 Zoll (gut 5 cm) dicke Bretter zu treiben ».
Mais ce n’est pas avec ce tour de foire que Weyer allait devenir, passablement, célèbre. Celui qui était né Jean Decker en 1872, allait réaliser son meilleur tour non pas en force, mais en agilité, en produisant un tour de magie pendant lequel il était capable de faire apparaître quelque 1 600 fleurs dans une sorte de corne d’abondance, en simple papier. Ce « roi des fleurs » était, jusqu’à présent une figure de la culture populaire, peu connue dans notre pays et Véronique Faber a passé six années à rassembler les données sur une vie de saltimbanque qui illustre les ambitions d’un homme qui voulait devenir une sorte de Houdini européen. Weyer faisait partie de la dernière grande vague d’immigration, partant du Luxembourg vers les États-Unis vers la fin des années 1880. Sur une trentaine de pages, l’auteure raconte le devenir d’un magicien au caractère trempé et aux mains agiles.
Sous son pseudonyme de « Weyer le Mystérieux », le jeune Decker semble doté d’un charisme fabuleux et d’une rapidité exceptionnelle dans l’exécution de ses tours de magie. Pendant une première période, Weyer va se produire dans les Dime Museums de New York qui n’avaient qu’une piètre réputation. Mais dans cet environnement de foire aux monstres, il va faire la connaissance de Harry Houdini avec lequel il va se nouer d’amitié, et avec qui il va entretenir un échange de lettres exceptionnel que Véronique Faber a disséqué pour son livre.
C’est Alex Weyer qui présenta John Grün à Houdini, qui allait à plusieurs occasions se produire avec l’homme fort de Mondorf. Mais, selon Véronique Faber, Alex Weyer, n’a jamais vraiment réussi à percer. Après son retour en 1896 en Europe, il va retourner vivre à Mondercange où il va passer cinq ans à inventer et perfectionner des tours de magie. À cette époque, un certain « Beckerelli », avait conquis le public luxembourgeois avec des tours que Weyer qualifiait de « schlampig » (négligé, bâclé). Weyer va essayer de persuader son ami Houdini de passer par le Luxembourg, pendant la tournée européenne du prestidigitateur américain. Mais l’affaire ne se fera pas et Weyer restera seul dans son spectacle, non pas sans embrigader sa famille, quelques années plus tard.
À partir de ce moment-là, l’auteure justifie le sous-titre de son livre : Abenteuer im goldenen Zeitalter der Magie en décrivant une existence en perpétuel mouvement. Le métier de Weyer s’était transformé en une sorte de cirque ambulant qui le forçait à déplacer plus d’une tonne de matériel d’un bout de l’Europe à l’autre en l’espace de quelques jours. La famille Weyer a commencé un périple constant sur une route qui allait la mener jusqu’en Égypte. Au début de l’année 1914, Alex Weyer avait organisé une tournée en Afrique du nord, mais le début du conflit mondial l’a confiné, lui et sa famille, au Caire. Et c’est là que se trouve sa tombe, financée le 18 mars 1921 par une collecte co-organisée par son ami Harry Houdini.
Véronique Faber a pu financer et publier son fascicule grâce au principe du crowdfunding. The Great Alex Weyer existe en version allemande et anglaise et est disponible aux librairies Bücherkasten à Luxembourg-Ville et Diderich à Esch-Alzette au prix de 18 euros.

Pour plus d’informations : http://alexweyer.blogspot.com
Christian Mosar
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