Une maison minérale, comme un diamant

Un quotidien spectaculaire

d'Lëtzebuerger Land du 28.09.2012

Est-ce une maison ? Est-ce un ovni ? Des photos du bâtiment circulent dans le milieu des ouvriers, chefs de chantier, ingénieurs et architectes : « Ce n’est pas une maison, c’est un diamant » disent-ils. À partir de ce week-end, les maîtres d’ouvrage, une famille avec deux enfants, emménageront dans leur nouveau chez-soi et prouveront que c’est effectivement une maison, un espace de vie qui comporte tout ce dont on a besoin au quotidien : garage, séjour, cuisine, bureau, petit salon, chambres à coucher, WC, salle de bain, même une buanderie, et ce bien que leur forme soit si peu banale. « Nous avions beaucoup de chance avec ces clients, qui ont privilégié la qualité des espaces plutôt que d’avoir davantage de surface habitable, » constate Carole Schmit du bureau Polaris Architects.
Tout a commencé avec le terrain, entre la rue Emile Metz et la rue de Muhlenbach à Luxembourg, à flanc de coteau, un ancien potager viabilisé pour une maison mitoyenne, dont la deuxième maison ne sera pas construite de sitôt, le propriétaire y cultivant toujours avec amour choux, salades et courges. La pente est importante, tous les voisins ont construit leurs caves sur piloris et perdent beaucoup d’espace – et l’accès direct à leurs jardins, qui s’étendent en direction de la rue de Muhlenbach. Puis il y eut les goûts des maîtres d’ouvrage, une grande admiration pour l’architecture contemporaine japonaise, minimaliste, qui s’intègre souvent dans des contextes difficiles et des terrains exigus. Et en troisième lieu les contraintes du règlement des bâtisses de la ville de Luxembourg et du mur mitoyen pour une éventuelle future deuxième maison sur la parcelle voisine. « Nous avons entièrement respecté le gabarit imposé, » souligne d’ailleurs Carole Schmit, qui a pu présenter entre autres ce projet lors d’une rencontre de Jeunes architectes européens au Pavillon de l’Arsenal à Paris ce mardi.
À partir de cette complexité, plus le programme de construction, les architectes, Carole Schmit et son partenaire François Thiry, ont donc commencé par manipuler le gabarit : avec une hauteur de corniche imposée et une telle pente, comment s’implanter sur le terrain afin de l’utiliser au maximum ? Sur les schémas de conception, on voit bien comment les inclinaisons des murs, les angles, les ouvertures ont été manipulés jusqu’à obtenir ce polyèdre qui ressemble effectivement à une pierre précieuse brute. La coque du bâtiment a été entièrement coulée en béton (à l’exception du mur mitoyen), laissé brut à l’intérieur, de sorte que la structure du bois de coffrage reste visible sur les murs. À l’extérieur, les parois ont été recouvertes d’ardoises artificielles gris foncé, qui augmentent encore cet aspect uniforme d’un solitaire compact – qui se moque un peu du contexte, c’est vrai.
Or, si l’agencement de cet objet non identifié reste mystérieux de l’extérieur, une fois entré, tout devient évident : le rez-de-chaussée, niveau zéro, s’ouvre immédiatement sur un généreux vide asymétrique sur lequel le bureau est installé sur une sorte de pont, qui donne sur les espaces intimes et de vie nocturne (chambres à coucher, salles de bain) vers les étages 1 et 2 et sur les espaces de vie commune, familiale et diurne, vers le niveau -1, où se trouvent la cuisine et le séjour, avec des grandes ouvertures vers le jardin, dans lequel on peut entrer de plain-pied. Les grands vides au-dessus des espaces donnent une impression de générosité, le minimalisme des matériaux employés – béton vu, bois blanc pour les mains courantes des cages d’escaliers et des ponts, chapes grises par terre, un peu de métal, du verre – valorise les volumes et leurs formes spectaculaires.
Extrêmement accueillante et lumineuse, la maison s’ouvre généreusement vers le jardin et le soleil et protège des regards indiscrets et de la pollution visuelle de ce faubourg de la ville. « Mettre en scène la théâtralité du quotidien familial » était une des ambitions des architectes, à côté de l’originalité, de l’intégration paysagère ou de la performance énergétique (il s’agit d’une maison à basse énergie). En visitant cette maison hors du commun, on ressent immédiatement cette transfiguration du banal que décrivait Arthur Danto.

josée hansen
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