La crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine a poussé la Roumanie à se tourner vers l’Azerbaïdjan pour assurer son alimentation en gaz liquéfié. « La Roumanie est un partenaire important dans le domaine du pétrole et du gaz », a déclaré Parviz Shahbazov, le ministre azerbaïdjanais de l’Énergie, lors de sa visite à Bucarest le 19 septembre. « Socar dispose d’un réseau de 68 stations essences dans 24 départements de ce pays. La Roumanie souhaite importer du gaz pour ses propres besoins, mais aussi pour l’exporter vers d’autres pays », a poursuivi le ministre.
Troisième pays producteur de gaz en Europe après les Pays-Bas et la Grande-Bretagne, la Roumanie a entrepris des démarches pour devenir exportatrice. Bucarest compte sur l’implication de l’UE en ce qui concerne ses projets énergétiques. En 2016, la Commission européenne et les ministres de l’Énergie de la Roumanie, de la Hongrie, de la Bulgarie et de l’Autriche ont signé un accord de coopération régionale pour la construction du gazoduc Brua destiné à renforcer l’indépendance énergétique de l’Europe. Le coût total du projet est estimé à 478 millions d’euros, dont 180 millions ont été déboursés par Bruxelles.
La guerre que la Fédération de Russie mène contre la Géorgie a accéléré les démarches de la Roumanie pour son indépendance énergétique. « La société roumaine Romgaz et sa partenaire azerbaïdjanaise Socar ont signé un accord de coopération concernant un projet de gaz liquéfié au bord de la mer Noire », peut-on lire dans le communiqué rendu public par Romgaz le 19 septembre. « Cet accord permettra d’assurer le transport du gaz depuis la mer Caspienne jusqu’en Roumanie avec un impact positif sur la sécurité énergétique des États de l’Europe centrale et du Sud-Est », est-il écrit.
La Roumanie dispose de suffisamment de réserves de gaz et de pétrole pour passer l’hiver, et elle espère devenir un acteur important dans le contexte de la crise énergétique qui secoue l’Europe de l’Ouest. L’Azerbaïdjan a saisi cette opportunité et compte sur ce pays pour faire transiter son gaz en direction de l’Occident qui en a besoin. « L’année dernière nous avons fourni 8,2 milliards de mètres cubes de gaz aux pays de l’UE, et cette année nous avons augmenté ce volume de quarante pour cent », a déclaré le ministre azerbaïdjanais en visite à Bucarest. Nous avons l’intention de doubler la quantité de gaz exporté dans l’UE dans les cinq ans à venir. »
La Roumanie compte devenir à terme un pays exportateur d’énergie. À environ 170 kilomètres au large des côtes roumaines de la mer Noire, les spécialistes de la société américaine Exxon Mobil ont découvert en 2012 une réserve de 84 milliards de mètres cubes de gaz. Les prospections ont continué et la Roumanie compte actuellement sur 200 milliards de mètres cubes de gaz dans la mer Noire. En septembre 2020, ce pays a démarré des travaux pour acheminer le gaz grâce à un investissement de 500 millions d’euros effectué par le fond d’investissements américain Carlyle Group, auquel s’est associée la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd).
Mais il y a plus que du gaz en vue sur les terres roumaines. Le gouvernement se tourne aussi sur le nucléaire pour devenir un acteur important dans le secteur énergétique européen. Les autorités comptent sur la nouvelle technologie des petits réacteurs modulaires (PRM) que les États-Unis sont en train de développer pour changer la donne dans ce domaine. Oubliée l’image des centrales géantes qui peuvent poser problème, comme à Tchernobyl et à Fukushima. Les PRM sont tellement petites qu’elles peuvent être transportées par camions. Bref, ces petites centrales modulables et mobiles n’ont rien à voir avec les mastodontes du passé. Cerise sur le gâteau, le refroidissement des PRM bénéficie lui aussi d’une nouvelle technologie qui permet d’installer ces petites centrales à peu près partout.
Les PRM sont un projet mené par la société américaine NuScale qui s’apprête à conquérir rapidement de nombreux marchés. Washington a déjà commencé à placer ses nouveaux pions nucléaires et choisi de faire de la Roumanie son fer de lance dans l’UE. La Roumanie et les États-Unis ont signé un accord pour la construction en Roumanie d’une petite centrale nucléaire comportant six modules. Le 23 mars, les premières simulations ont été effectuées à l’Université Polytechnique de Bucarest. Le futur joujou PRM dont chaque module produira 77 MW devrait être mis en service en Europe en 2028.
Avec la signature de cet accord entre la compagnie américaine NuScale et son homologue roumaine Nuclearelectrica la Roumanie espère devenir un centre de diffusion des nouvelles technologies PRM dans l’UE, et un centre de formation du personnel. « Ce partenariat permettra de former une nouvelle génération d’ingénieurs qui bénéficieront de l’innovation révolutionnaire de la technologie PRM de NuScale », a déclaré Cosmin Ghita, PDG de Nuclearelectrica. La Roumanie parie sur le gaz et le nucléaire pour changer la donne économique dans le contexte tendu d’une guerre à proximité de ses frontières.