Campagne électorale 2014

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d'Lëtzebuerger Land du 09.11.2012

Les Luxembourgeois aiment Barack Obama. Sur le site de RTL.lu, presque trois quarts des quelque 430 personnes qui avaient répondu au petit sondage en-ligne 24 heures après que le résultat des élections présidentielles américaines fut connu s’en disaient satisfaits. Très régulièrement, le site d’informations le plus consulté du Luxembourg propose de tels sondages d’opinion à choix multiples, dont les scores peuvent être consultés en temps réels. Ils ne correspondent à aucune méthodologie scientifique de représentativité du panel par exemple, et n’en ont pas l’ambition – d’ailleurs, chaque sondage est accompagné d’une mise en garde allant dans ce sens.
Il s’agit juste d’un relevé de l’opinion des participants à un certain moment, et pour RTL.lu, de générer des clics et d'encourager la participation de l’internaute. Ce qui marche surtout pour les thèmes qui concernent la vie quotidienne – là où une question sur l’avenir de Jean-Claude Juncker en tant que président de l’Eurogroupe intéresse 2 200 personnes, le sujet sur l’interdiction de fumer dans les cafés déchaîne les foules, plus de 7 200 personnes y ont réagi, avec un verdict mitigé. Prétendre que ces petits sondages ludiques influencent fondamentalement l’opinion publique et la prise de décision politique serait probablement exagéré. Mais il est certain que les centrales des partis politiques y jettent un œil lorsque le sujet les concerne. Comme sur Facebook, l’exercice est facile à manipuler et léger – et il ne viendrait à l’esprit de personne de vouloir le restreindre de quelque façon que ce soit.
Il en va tout autrement des enquêtes d’opinion professionnels et scientifiques : lorsque le 20 septembre 2011, presque trois semaines avant les élections communales, le Luxemburger Wort et RTL ont publié leur traditionnel Politbarometer sur la sympathie et la compétence des politiciens les plus connus – dont certains candidats aux communales, forcément –, le Parquet de Luxembourg a ordonné une enquête judiciaire parce que l’article 97 de la loi électorale interdit la publication de sondages d’opinion en rapport avec ces élections durant le mois qui les précède. Les responsables des deux médias ainsi que ceux de l’institut ayant effectué ledit sondage, TNS-Ilres, ont été convoqués dans le cadre de cette enquête, qui pourtant, depuis lors, nous confirme le Parquet, a été mise « en suspens ».
« Cette restriction d’un mois est complètement archaïque, constate Charles Margue de TNS-Ilres. Les sondages, on les fait de toute façon pour ceux qui les commandent. Interdire leur publication n’est pas démocratique. Tout le monde peut intervenir dans le débat public et influencer l’opinion, c’est tout à fait légitime. Mais alors, publier les résultats d’un sondage est tout aussi légitime. Les citoyens ont un droit de connaître ces opinions. »
Voilà aussi l’approche d’Alex Bodry : le député-maire de Dudelange et président du LSAP a déposé en mars de cette année une proposition de loi visant à libéraliser la publication et la diffusion des sondages d’opinion jusqu’à 48 heures avant l’échéance électorale, en imposant en contrepartie un contrôle du sérieux scientifique de l’enquête par un organe à définir – il propose la commission des plaintes du Conseil de presse, pour éviter de créer un nouvel organe –, ainsi qu’une obligation d’y joindre des informations sur la méthodologie appliquée. Le Conseil d’État estime, dans son avis, que plus aucune limitation ne s’impose dans ce domaine et que les restrictions de l’article 97 alinéa 2 de la loi électorale pourraient être tout simplement supprimées. Or, tous les députés ne le suivent pas sur cette voie, les débats à la commission parlementaire des Institutions et de la Révision constitutionnelle sont assez contradictoires sur ce point, les petits partis, se sentant défavorisés dans les sondages, demandant en règle générale plus de restrictions. « Nous ne sommes pas forcément demandeurs d’une telle libéralisation, réagit Charles Margue, car le système électoral luxembourgeois est complexe, ce qui rend le calcul de projections fiables très difficile – et de plus en plus difficile, plus on s’approche de l’échéance. » Mais à ses yeux, les réponses des citoyens à des questions binaires (sur lesquelles ils puissent répondre par oui ou non, A ou B) ou sur des points précis – comme la popularité d’une candidat – constituent tout à fait un apport au débat démocratique.
À la demande de la commission, le président de la Chambre des députés vient d’écrire au gouvernement pour avoir sa prise de position sur la question et demande une réponse d’ici la fin de l’année. « Sinon, nous allons continuer nos travaux sans cela, » affirme Alex Bodry, qui est également le rapporteur de la proposition de loi. L’objectif étant qu’elle puisse entrer en vigueur avant la campagne pour les législatives de 2014. Une campagne qui se prépare déjà largement en coulisses : les calendriers des échéances avec les grandes dates des congrès nationaux sont prêts, les équipes de décision presque toutes en place – seul le DP fera encore un changement à la présidence, Xavier Bettel remplaçant Claude Meisch lors du congrès du 29 janvier 2013 –, la procédure rôdée : élaboration d’un programme, pour laquelle les membres seront impliqués d’une manière ou d’une autre, par des congrès et/ ou Internet, d’ici l’automne 2013, puis recherche de candidats pour les listes électorales à partir de l’été 2013. La campagne à proprement parler ne commençant qu’au printemps 2014.
Si les décideurs politiques des principaux partis réagissaient presque tous avec un « mais c’est tôt, très tôt pour en parler » étonné – « nous ne pouvons pas perdre du temps précieux en remettant toutes les décisions difficiles à l’échéance 2014, après les élections, par crainte de perdre des voix, » dit Claude Meisch, président du DP –, les partis concèdent pourtant tous, à l’exception de La Gauche, avoir déjà commencé à consulter les agences de communication pour les assister, mettre en place une stratégie et les grands axes.
C’est le jeune Parti pirate qui a ouvert le bal, avec son congrès national du 27 octobre, lors duquel il a lancé le processus d’élaboration participatif de son programme. « C’est normal que nous devions nous y prendre tôt, constate Sven Clement, le président, 23 ans. C’est notre première campagne et notre premier programme, nous avons tout à inventer. Et puis, il s’agit aussi d’une question de notoriété, personne ne nous connaît, nous devons d’abord faire savoir que nous existons... » Il espère que leur objectif d’atteindre deux sièges, un au centre et un au sud, avec les votes contestataires et des voix d’électeurs déçus de l’ADR, du DP et du LSAP, est réaliste. À l’opposé, l’ADR estime que « nous avions un très bon programme en 2009, nous n’allons pas le réinventer, mais le remettre au goût du jour, » selon le président Fernand Kartheiser. Un nouveau site Internet et la célébration du 25e anniversaire du parti, hier soir, jeudi 8 novembre, à Mamer, donnaient le coup de départ de la campagne du parti.
Le CSV, quant à lui, devra faire le grand écart entre ces deux extrêmes : le renouveau, le dynamisme de proposer les idées nouvelles du parti pirate et le conservatisme de l’ADR. Avec un jeune secrétaire général – Laurent Zeimet a été élu à ce poste au printemps – et un vieux candidat tête de liste – Jean-Claude Juncker a annoncé cet été à la télévision allemande qu’il allait se représenter en 2014 –, il voudra concilier tous les électorats. Sa première grande manifestation sera une soirée anniversaire pour célébrer les dix ans de son programme fondamental, le 7 décembre prochain à la Kulturfabrik à Esch. Les Verts, quant à eux, fêteront les trente ans du parti le 7 juillet 2013, qui sera également une occasion de lancer la campagne. « En tout cas, souligne Alex Bodry pour le LSAP (et Fernand Kartheiser se situe dans la même veine sur ce sujet), nous allons prendre une initiative pour trouver un accord avec tous les partis que cette campagne ne soit pas excessivement chère. Il y a de la marge pour faire des économies, surtout en temps de crise, par exemple sur les gadgets électoraux. Nous voulons être responsables, d’autant plus qu’il s’agit de l’argent du contribuable. »

josée hansen
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