Roland Schauls: Capriccio

« Wee seet dann dass et kee Spaass dierf maachen ? »

d'Lëtzebuerger Land du 09.11.2012

Le sac en papier pliable est un élément récurrent dans la figuration de Roland Schauls. La banalité de cet objet usuel devient ici le prétexte d’une peinture qui revendique un empirisme de la surface. Le pliage du sac permet à Schauls de structurer une superficie de la toile que l’on pourrait comparer chez lui à la page blanche de l’écrivain. Un espace donné, a priori, délimité et contraignant. À partir de là, Roland Schauls décline toute une panoplie de subterfuges, de contradictions apparentes et de familiarités rassurantes. Et cette contrainte de la surface et de ses limites semble le sujet initial que Roland Schauls traite dans sa peinture depuis ses débuts.
Il y a dans sa nouvelle exposition dans les deux espaces de la Galerie Clairefontaine, le résultat des deux années de travail où alternent des compositions complexes, pleines de références tantôt grandioses, tantôt anecdotiques, avec des peintures où le geste et l’acte physique de la peinture semblent primer sur la narration figurative. Gerhard Richter l’avait précisé en disant « Meine Bilder sind klüger als ich ». Une phrase qui résonne d’une manière encore différente dans la peinture de Schauls. Depuis son atelier à Stuttgart, le peintre des 504 portraits de la Portrait society, réalisée entre 1995 et 1998, revendique une peinture autonome dont la narration n’est qu’un prétexte à un monde pictural indépendant et personnel.
S’il y a une chose que Roland Schauls ne peint pas, ce sont les ombres. Chez lui, il n’y pas d’ombres portées qui lesteraient ses figures. Celles-ci semblent plutôt flotter dans un ensemble d’attributs étranges, parfois ridicules, dans leur apparente contradiction.
Une autre réminiscence est celle du fantôme de Kutter, que Roland Schauls avait déjà invoqué en 2003. Et il y a dans ces nouvelles peintures des qualités picturales, mais aussi des allusions plus anecdotiques à l’expressionniste luxembourgeois. Dès que Roland Schauls s’astreint à une peinture désemparée et intuitive, il y a des similitudes qui vont bien au-delà de l’imitation, voire du pastiche. Il se rappelle avoir été marqué par l’Intérieur aux trois figures de 1940, probablement l’une des dernières toiles, peut-être inachevées de Joseph Kutter. Le côté inachevé et brut de cette toile, où la matière picturale semble à elle seule imposer ce qui reste de contours définis à cette scène hiératique, est exemplaire quant à la démarche de Schauls qui ne privilégie aucun élément de sa composition avant de commencer sa peinture. Ainsi une paire de chaussures peut remplacer un portrait et un agencement de surfaces peintes peut primer sur un arrière-fond de paysage.
À partir de là tout semble possible. Mais en même temps, Roland Schauls nous l’a dit clairement : « Je ne suis ni expressionniste, ni exhibitionniste » – et effectivement, il arrive à exfiltrer une manière de peindre et surtout de dessiner au style de Kutter qui se rapproche bien plus de ce que Roland Schauls définit comme un psychogramme de la ligne dessinée, qu’à une tragique expression de l’âme. En dessinant à la main libre, Schauls sait d’où son trait va partir, mais il ne sera jamais certain de la suite des évènements. D’un autre côté il se dégage d’un grand nombre des ses peintures une volonté de combler les vides et les espaces neutres et contrôler la superficie de sa toile qui est en apparente contradiction avec la gestualité d’autres dessins et peintures.
L’exposition actuelle des Cappricio de Roland Schauls à la galerie Clairefontaine fait, dans son titre, référence aux Scherzi di fantasia de Gianbattista Tiepolo. Des eaux-fortes qui représentant des association étranges et de figures et d’objets, dont Roland Schauls extrait une ironie légère tout autant qu’une richesse iconographique qu’il a réussi à traduire dans son univers de formes personnel.

L’exposition Capriccio de Roland Schauls, dans les deux espaces de la galerie Clairefontaine à Luxembourg, rue du Saint-Esprit et place Clairefontaine, dure jusqu’au 24 novembre ; pour plus d’informations : www.galerie-clairefontaine.lu.
Christian Mosar
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