David Brognon aka The Plug

Du sol au volume

d'Lëtzebuerger Land du 16.09.2011

Un look pour signature, une fragilité difficilement masquée par un sens de la joute verbale, David Brognon, alias The Plug, n’est pas loin du cliché formé autour de ces innombrables artistes ayant construit des passerelles entre la rue et les galeries. Avec pas moins de six théâtres d’exposition s’offrant à lui à la rentrée, il a pourtant réussi à dépasser le phénomène de mode, imposant ses réalisations dans les collections privées comme les institutions. Décryptage d’un phénomène né à un jet de pierre de la frontière, côté Belge.

« J’aurais du mal à dire si je dois davantage mes premiers graffitis à l’ennui ou à mon environnement social et urbain. Toujours en est-il que j’ai commencé par du ‘wall style’, du graph typique d’une forme de rébellion adolescente. Il y avait, déjà, une démarche alternative, une contestation de l’autorité qui nous définissait, mes potes et moi » explique-t-il, associant ces souvenirs fondateurs aux musiques et comportements de groupe qui faisaient le sel de l’époque.

La rue ne différant pas des autres formes d’expression, David se mit rapidement en quête d’une formule créative lui permettant, à la fois, de se distinguer de la masse et d’offrir à son acte une valeur symbolique : « C’est là que j’ai eu l’idée de débrancher des objets qui ne me plaisaient pas, comme des horodateurs ». Une prise, comme jetée au sol, peinte ou dessinée, que l’on retrouvera rapidement sur tous les lieux de passage de celui qu’il faudra alors appeler The Plug, de Bruxelles à Luxembourg. Une idée aussi simple que pertinente, rapidement saluée par la scène alternative des street-artistes et leurs aficionados, jusqu’à l’emblématique ouvrage Art Of Rebellion de l’auteur-graffeur Christian Hundertmark.

« Des blogs spécialisés avaient, précédemment, présenté mon travail. Je n’avais pas réalisé qu’un certain buzz s’était construit, » se rappelle-t-il. Fan du collectif new-yorkais Fail comme du Français Invader, il se retrouve emporté par le courant : « Ce ne fut pas un moment facile. J’étais – et reste – un partisan du ‘ce qui est fait dans la rue doit rester dans la rue’. ZEVS, Alex One, le Mosellan Samuel François… Quelques-uns avaient brillamment réussi ce step très compliqué, là où d’autres n’avaient rien fait d’autre que de dupliquer les mêmes travaux dans des univers qui ne se ressemblent en rien. Je ressentais le besoin de trouver mon propre langage plastique, je ne cessais de me demander ce que je pouvais apporter par mon travail. Avec le recul, mes premières expérimentations artistiques furent calamiteuses. Il me fallut beaucoup d’introspection pour accoucher, dans la souffrance, de la première installation que je pourrais assumer : Backjumps – The Live Issue #1 à Berlin en 2003 ». Entretenant, dans un rapport quasi-schizophrénique, le lien entre le milieu muséal et celui de ses amis, il choisit alors d’inscrire, en transparence, ces formes de violences, sociales ou physiques, ces références aux mouvements et icônes populaires – anarchistes, punks, original skinheads – dans son travail.

En 2008, le galeriste luxembourgeois Alex Reding réussit à lui mettre le fil à la patte, en lui offrant une exposition aux côtés de Christian Aschman, Grégory Durviaux, Martine Feipel, Stina Fisch et Christian Frantzen. Intitulée Mixed Season, cette exergue de la ‘jeune scène artistique du Luxembourg’ le met aux avant-postes, mais également face à ses nouvelles responsabilités de créateur : « Il est très rare que l’idée me vienne simplement, spontanément. C’est la plupart du temps un processus lent ». Assisté, régulièrement, par la créatrice Stéphanie Rollin, il gravit rapidement les différents échelons caractéristiques d’un ‘développement de carrière’, signant au passage plusieurs expositions monographiques, accédant au milieu très fermé des FRAC français grâce à l’abnégation de son galeriste. Jusqu’à ce jour et cette rentrée pour le moins chargée. « Je serai notamment à la Biennale de Sélestat, à la spectaculaire exposition Pearls of the North du Palais d’Iéna (Paris), j’ai créé une pièce pour le 50e anniversaire du Fonds Kirchberg et l’exposition Plateaux…, » énumère-t-il. Une actualité qui, plutôt que le réjouir, pourrait avoir tendance à l’angoisser : « Je dois perpétuellement me remettre en question, je ne supporte pas l’attente. C’est comme si la violence qui nourrit souvent mon propos était un élément indispensable de mon processus créatif ».

Alexis Juncosa
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