Tzeedee

Visions de vie

d'Lëtzebuerger Land du 14.10.2022

En février dernier, la chanteuse et pianiste Kinga Radics, alias Kinga Rose a fait paraitre sur le label allemand Timezone Records son premier album intitulé Vision. Le public autochtone a pu la découvrir par le biais de concerts du Grund Club Luxembourg avec lequel elle officie depuis 2020, mais également à travers ses singles régulièrement programmés en radio. Produit par Lata Gouveia, fondateur du Grund Club Luxembourg justement, le projet vaut le coup d’oreille. La release du disque au format physique a eu lieu samedi dernier au centre culturel Altrimenti. L’occasion de re(découvrir) ce projet de dix titres pour quarante minutes de musique.

Vers vingt heures, à l’entrée de la salle où va avoir lieu le concert, deux dames très sympathiques font la caisse. La maison ne prend que les espèces, un couple est prié d’aller retirer du cash au distributeur le plus proche, à 400 mètres de là. À l’intérieur, la lumière est tamisée et les tables installées de toutes parts donnent un côté « bal à l’ancienne » plutôt agréable. Se remémorant sans doute une époque regrettée, un homme au bar demande au serveur si les cigarettes sont autorisées. On accueille le quatuor de la soirée. Kinga Rose, au piano et à la voix, est accompagnée par Max Duchscher à la batterie, Tom Heck à la basse et Laurent Pierre aux saxophones et à la flute. Le programme est simple, la troupe va interpréter dans le désordre les dix chansons du disque.

Ce disque donc, que vaux-t-il ? La pochette de l’album, un photomontage relativement daté et peu inspiré, sur laquelle on découvre l’artiste sur un fond vert et rose, ne fait pas honneur à la qualité des enregistrements. Dès l’introduction Weeping Willow, on s’étonne de l’orchestration signée Ivan Boumans, particulièrement réussie. Le texte est simple, les rimes attendues (window/rainbow), mais le tout fait son effet. Run Away Child qui suit sonne plus familier et pour cause, c’est l’inarrêtable Pol Belardi qui est derrière les arrangements. How Else est ses accents blues rock (renforcées par le tempo et les chœurs) est contrebalancé par des vocalises et des envolées qui donnent un aspect oriental. Originaire de Hongrie, Kinga Rose explique avoir été en contact toute jeune avec la musique traditionnelle aussi bien à l’école que chez elle et cette forte influence se ressent notamment sur la seconde partie du titre Vision.

On retient encore un sympathique hymne à l’amour sur Cosmic Love, un petit côté Englishman in New York sur Girl In A Long Skirt et des airs de Burt Bacharach sur If I Can’t Breathe. Kinga Rose cite quant à elle Tori Amos et Kate Bush comme influences, et revendique son amour pour le latin jazz qu’on ressent effectivement par petites touches.

Laurent Pierre est particulièrement à l’aise sur scène. On regrette cependant l’absence de cordes qui auraient apporté un petit supplément d’âme et on déplore une acoustique inégale. La chanteuse taquine l’audience et ses musiciens. Elle sait se saisir des petits tracas inhérents aux concerts et les désamorcer avec un certain talent. Ainsi, lorsqu’un enfant commence à être un peu trop bruyant au début d’une chanson, elle tente de communiquer avec lui à base de « gagaga », ce qui calme illico sec le bambin. Kinga Rose explique avoir écrit les dix chansons de l’album durant des périodes qui auraient pu être difficiles, une grossesse et la pandémie que l’on connait, mais qui ont en fait constitué « un moment très calme et harmonieux » de sa vie. « J’ai eu beaucoup de temps pour me plonger dans mon être profond et vivre des moments spirituels ».

Même si elle assume cibler un public plutôt féminin on ne ressent à aucun moment l’impression qu’elle enfonce des portes ouvertes dans Vision. On découvre plutôt des visions de vie qui tissent tout du long du projet un message d’espoir à qui voudra bien être réceptif. « Je ne voulais pas écrire un album féministe, mais les paroles sont effectivement écrites d’un point de vue féminin sur la vie elle-même et s’adressent principalement, mais pas exclusivement, à un public féminin ». À la fin du concert, un rappel est donné avec une reprise du titre Girl In A Long Skirt. Kinga Rose va ensuite à la rencontre de son public qui se compose, comme elle le fait remarquer, de visages connus et d’inconnus..

Kévin Kroczek
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