Droit de vote des non-Luxembourgeois

Néo-électeurs

d'Lëtzebuerger Land du 04.10.2013

La question est de toutes les réunions électorales, de tous les débats publics, de toutes les interviews : quelle est votre position, celle de votre parti, en matière de droit de vote des non-Luxembourgeois aux élections législatives ? Et le clivage est alors évident : à ma gauche, le LSAP, dont le candidat tête de liste, Étienne Schneider, avait créé la surprise en annonçant en début d’année, que son parti était pour une participation citoyenne élargie aux résidents étrangers qui contribuent, par leur travail et leur capital, à créer la richesse du pays (et, en passant, par leurs impôts, à financer les partis et leurs campagnes). Dans leur programme électoral pourtant, les socialistes précisent qu’ils veulent limiter cet accès au seul droit de vote actif, excluant le droit de vote passif (donc celui d’être élu député) et encore : seuls ceux qui auraient déjà participé aux communales ou aux européennes y accéderaient.

Aux socialistes s’allient, sans grande surprise, la Gauche et le Parti pirate, qui sont tous les deux pour une ouverture radicale de la citoyenneté aux étrangers et aux jeunes à partir de seize ans, et ce aussi bien pour le droit de vote actif que passif. Ces droits de participation politique deviendraient des droits de résidence, liés au simple fait d’habiter au Luxembourg depuis un certain temps. Et même au centre, les Verts sont pour une ouverture, mais réservée au droit de vote actif, après cinq ans de résidence, aux mêmes conditions que pour les électeurs luxembourgeois, alors que le DP est pour un débat sans a priori sur le droit de vote actif et passif des étrangers aux législatives. Sur cette question, le CSV se retrouve donc isolé à droite, dans le même camp que l’ADR, avec son affirmation claire et nette qu’il persiste à vouloir encourager les non-Luxembourgeois à opter pour une naturalisation ou la double nationalité s’ils veulent vraiment participer aux décisions politiques – et donc à les exclure des élections nationales. La souveraineté du pays serait en jeu, souligne l’ADR, comme si la survie de la nation en dépendait.

C’est vrai que la survie de la nation en dépend – mais pas dans le sens argumenté par la droite. Le succès du grand-duché repose déjà aujourd’hui en grande partie sur les étrangers, immigrants du travail, que ce soient les chefs d’entreprise et leur capital, pour lesquels militent les organisations patronales et leur candidat favori Étienne Schneider. Ou que ce soient les immigrés du bas de l’échelle sociale, travailleurs fuyant les crises économiques au Sud de l’Europe ou réfugiés reconnus, que défendent les associations comme l’Asti ou le Clae. Presque la moitié de la population résidente (44 pour cent) est aujourd’hui exclue du processus démocratique – sans parler des quelque 150 000 frontaliers qui travaillent et paient également leurs impôts ici. Or, la même discussion sur l’accès des non-Luxembourgeois aux élections européennes et communales, imposé par le traité de Maastricht, discuté avec passion et dépeint par ses opposants comme le déclin de l’Occident avant qu’il ne soit généralisé en 2011, a mené à une participation de moins de vingt pour cent et à un statu quo des équilibres politiques en jeu. Les immigrés ne sont pas tous de « dangereux communistes contestataires », mais ceux d’entre eux qui choisissent de participer politiquement sont bien intégrés, aussi idéologiquement, se situant plutôt au centre politique.

L’opposition catégorique du CSV à l’élargissement du droit de vote aux étrangers toutefois devient intenable au regard des bizarreries produites par la réforme Biltgen de la loi sur la nationalité de 2008 : plusieurs milliers de citoyens belges, français, allemands et autres, qui ne connaissaient le Luxembourg ni d’Adam ni d’Ève, ont pu acquérir la nationalité luxembourgeoise parce qu’un de leurs aïeuls en lignée directe avait cette nationalité en... 1900. Ils habitent de l’autre côté de la frontière ou au bout du monde et ont le droit de vote. D’ailleurs, certains partis jouent même aux saute-frontières de la pêche aux voix pour les aguicher. Ces néo-électeurs participent donc à influencer des lois sans jamais mettre un pied ici – par exemple en matière de fiscalité ou d’éducation –, qui seront applicables à tous les résidents. C’est absurde.

josée hansen
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