Depuis quelques jours, les œuvres des artistes Claudine Arendt, Paul Kirps et Chantal Maquet s’ajoutent à la collection d’art contemporain de l’Œuvre national de secours Grande-Duchesse Charlotte qui gère la Loterie nationale et soutien des projets au service de l’intérêt général au Luxembourg. Son siège, abrite un éventail du meilleur de la scène artistique luxembourgeoise : Brognon Rollin, Marco Godinho, Feipel & Bechameil, Filip Markiewicz, Max Mertens, Letizia Romanini, Roger Wagner. Les œuvres sont réparties dans des salles de réunion et des lieux de passage du bâtiment « La Philantropie », à Leudelange. On peut aussi y voir des affiches de la Loterie Nationale de 1945 à 1988, accrochées dans la cage d’escalier, dont L’allégorie aux Yeux Bandés célèbre illustration de Franz Kinnen, rénovée et datant de 1946.
La fortune ne semant des billets de banque à quelques gagnants seulement, l’Œuvre peut remplir ses missions de soutien dans des champs d’action où elle identifie et comble des besoins qui ne sont couverts, ni par les fonds publics, ni par l’initiative privée: social, sportif, santé, environnement et... culture. Ainsi, logos anciens ont été superposés par Letizia Romanini pour en créer un nouveau. Mingle date de 2013, la même année que l’achèvement du nouveau bâtiment. Le duo Brognon Rollin a réalisé Sans titre « La vérité », qui s’admire sur la façade, décrivant et dénonçant la réalité de notre époque, pour mieux souligner le travail l’Œuvre. « Si un arc-en-ciel dure moins d’un quart d’heure, on ne le regarde plus », pointe l’égoïsme et l’impatience de notre époque à grande vitesse, où le temps compressé l’emporte sur l’attention nécessaire à l’écoute du monde environnant et des autres .Il est réalisé en matériau rétro-réfléchissant utilisé pour la fabrication des panneaux de signalisation routière, détournement ironique que peut se permettre l’art contemporain. Avec The Cabinet Inside, également conçu spécifiquement pour le bâtiment par Martine Feipel et Jean Bechameil, une multitude de portes de tailles différentes, superposées sur la façade, s’ouvrent ou s’entrouvrent.
Les trois créations de Claudine Arendt, Paul Kirps et Chantal Maquet, qui s’ajoutent désormais à la collection d’art de l’Œuvre, sont, comme toutes les pièces de la collection, issues d’un appel à participation. Lancé à l’automne 2020 à l’adresse d’artistes luxembourgeois actifs dans le domaine des arts visuels, ce concours-ci, ouvert, se voulait un défi dans la période de mise à l’arrêt de la vie culturelle, à la pandémie de Covid, avec une enveloppe d’aide financière globale de 100 000 euros.
Un jury de représentants de l’Œuvre et d’experts nationaux et internationaux – Fanny Gonnella, directrice du FRAC Lorraine ; Benoît Lamy de la Chapelle, directeur du centre d’art la Synagogue de Delme ; Kevin Muhlen, directeur du Casino Luxembourg ; Danièle Wagener, présidente du jury stART-up (désormais dirigé par Anouk Wies, Danièle Wagener ayant été nommée au poste det Présidente du CA de l’Œuvre) et Fanny Weinquin, historienne de l’art et commissaire d’expositions indépendante – ont présélectionné cinq propositions sur les quinze dossiers reçus. Sur quatre projets restants, (un artiste s’étant retiré), les projets de Claudine Arendt, Paul Kirps et Carole Melchior ont été sélectionnés pour leur qualité artistique, la relation avec la thématique, la faisabilité technique et budgétaire.
La sculpture-fontaine de Claudine Arendt (illustration), réalisée en polyester, représente des nez surdimensionnés, qui projettent de l’eau sur la terrasse du bâtiment. Ahead of Time, The Times Ahead. C’est donc une illustration quasi littérale du facteur de transmission du Covid d’un nez à l’autre, un hommage au travail des soignants exposés aux particules qui détourne le tragique de la situation en rire libérateur par la surprise du déclanchement du jet d’eau à l’aide d’un détecteur de mouvement et de ses couleurs vives.
Du corps réel à un élément du « corps urbain », telle pourrait être la transition imagée vers l’oeuvre de Paul Kirps, Two thousand and twent. Il s’agit d’un caisson lumineux, où les affiches publicitaires d’événements culturels, qui ont été annulés ou suspendus durant le temps du confinement ont été enlevées. L’artiste met à nu les mécanismes et les détails techniques de l’intérieur de l’objet. Ce caisson rétro-éclairé, travail critique sur l’aspect du vide relationnel social, fait désormais réfléchir au sujet et au temps qui lui est consacré dans une salle de réunion…
De la mécanique du temps passé et de la question de sa raison d’être réelle, on passe au temps passé ensemble, au temps qu’il fait dehors et au temps qu’il nous est donné à vivre avec les trois photographies de Carole Melchior Faire territoire. Installée au premier étage et dans la cafétéria, L’être, est une prise de vue en noir et blanc de deux corps proches dans la foule mais privés de contact. Cheveux blonds découverts et tête encapuchonnée de noir se tournent le dos. D’un oiseau qui prend appui sur une branche dans un entrelacs de branches ou celui du réseau du système veineux (cette photo-là est en couleurs), laquelle est intitulée Le sensible, laquelle Le vivant ?