CD Irish Nights de Dreamcatcher

Le troubadour de Dudelange

d'Lëtzebuerger Land du 05.08.2010

On ne présente plus John Rech, personnage influent de la scène luxembourgeoise par ses multiples casquettes accumulées au fil des années. Depuis la fin de T42, il mène d’autant plus la barque Dream Catcher avec l’aide de quelques fidèles compagnons, et sort, sous cette bannière, régulièrement des albums. Le sixième, intitulé Irish nights, est un hommage plus qu’appuyé aux musiques traditionnelles de l’île au trèfle (rappelons que l’homme est aussi l’instigateur du Zeltik Festival de Dudelange). Comme pour le précédent When we were young, l’album est accompagné d’une bande dessinée illustrée, à nouveau par Andy Genen, dont certains connaissent le trait par la série De leschte Ritter. Ces petites saynètes, quant à elles, sont scénarisées par John Rech himself.

Énervons-nous un peu sur ce comic strip au format hybride. Le trait rondouillard de Genen est nettement plus à l’aise et dynamique pour une illustration classique voire un logo genre Yuppi que pour insuffler un minimum de vie à une bande dessinée (voir à ce sujet son site, qui compte d’indéniables réussites : http://scoundreldaze.deviantart.com/). En parcourant ces cases, on a l’impression de se retrouver dans les pages défouloir d’une gazette d’étudiant. Les vannes, potaches et éculées, tombent toutes irrémédiablement à plat et auraient été mieux à l’honneur dans un troquet quelconque, à heure tardive, qui plus est. Vous y ajoutez quelques louches de mièvrerie, histoire de cibler tout public.

Fort heureusement, le disque n’est pas à l’avenant. En effet, les neufs morceaux laissent transparaître la bonhomie et l’affabilité inhérente à John Rech, qui, pour l’occasion, livre un mélange des compositions originales et de reprises du patrimoine irlandais. Ces morceaux ont été arrangés en compagnie de la formation irlandaise Beoga (qui signifie « plein d’entrain » en irlandais). Si l’artiste interprète a déjà été la cible de beaucoup de critiques (dans ces pages ou ailleurs…), il faut lui reconnaître un habile savoir-faire de mélodiste et d’arrangeur comme en témoignent les morceaux de son cru (le gentillet Hello, hello, l’entraînant Fuck off. mais surtout She knows, très bien foutu). Il se révèle être également un interprète plus qu’honnê­te avec un timbre proche de Mike Scott, en moins fiévreux et habité, dont il reprend ici sobrement l’emblématique Fisherman’s blues, auquel sont greffés des arrangements de cordes plus tristounets que l’original. Plus enlevée, la relecture de 30 [&] confused de son pote Ezio se fait sur une gigue.

Évidemment, ceux qui espèrent entendre John Rech casser son image en seront pour leur frais. Ici, l’ambiance conviviale et confortable, au coin du feu, teintée de violon, d’accordéons et de budhran, restitue fidèlement l’ambiance particulière irlandaise avec moult détails. On avoue, cependant, être curieux du résultat éventuel si le bonhomme se mettait à prendre parfois plus de risques. Car si tout est léché et bien interprété, avec ce qu’il faut d’enthousiasme, la niaque est aux abonnés absents. Certes, la mélancolie et la nostalgie ont leur place, mais on cherche plus d’éléments du côté obscur qui feraient revendiquer à John Rech un statut de songwriter versatile. Finalement, cet exercice de style devrait rassurer tout le monde, les fans comme les détracteurs !

Signalons que Dreamcatcher se produira fin août à Singapour ; pour plus d‘informations : www.dreamcatcher.lu
David André
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