Facebook

Fil d’actualité ou galerie marchande ?

d'Lëtzebuerger Land du 23.10.2015

Facebook est connu pour avoir des taux de « click-through » (la proportion de publicités par pages vues sur lesquelles les utilisateurs cliquent) considérablement plus bas que d’autres grands sites du Web. Selon Businessweek, les bandeaux publicitaires sont en moyenne cliqués cinq fois moins sur Facebook que sur l’ensemble du Web. Des sources citées par Wikipédia estiment que ce taux est de l’ordre de 0,04 pour cent pour le réseau social, contre huit pour cent sur Google.

Par nature, Facebook sait pratiquement tout de ses utilisateurs, davantage en tout cas que la plupart des autres sites qu’ils peuvent être amenés à visiter. Il devrait donc être en mesure de cibler mieux que les autres les publicités qu’il leur présente et obtenir des taux de clic au moins aussi bons que les autres. L’explication de ces piètres performances réside-t-elle dans le fait que sa population est pour une large part constituée de jeunes (même si cette proportion semble diminuer), mieux à même que les internautes plus âgés d’ignorer les publicités, que ce soit à l’aide de logiciels de blocage ajoutés au navigateur ou par leur comportement ?

Alors que, malgré ce handicap, Facebook a réussi à générer d’impressionnants revenus publicitaires ces dernières années, il était clair qu’il allait chercher à améliorer ses performances. L’apparition récente d’articles et de publicités dits « instantanés » dans le fil d’actualité de ses utilisateurs s’inscrit manifestement dans cet effort.

Les premiers sont des pilules de news extraites des grands sites d’information et servies à l’utilisateur sans qu’il quitte la plateforme (site web ou application) – une innovation qui présente pour les sites à l’origine de l’information le risque de ne plus voir arriver sur ses pages les internautes. Cependant, il est intéressant de noter que la première visée de ce dispositif n’est pas de générer directement des revenus publicitaires additionnels, mais bien plutôt de conserver sur sa plateforme, le plus longtemps possible, l’internaute volage. Quitte à ce que la présence prolongée des internautes sur Facebook puisse être monnayée par la suite auprès des annonceurs.

Les nouvelles publicités qui ont été repérées ces derniers temps sur Facebook obéissent elles aussi à la logique qui consiste à garder coûte que coûte l’internaute sur les pages du réseau social. Elles proposent un contenu riche (multimédia, interactif, ludique) qui présente l’avantage, par rapport aux mêmes contenus publicitaires hébergés sur d’autres pages, de pouvoir être préchargées dans le navigateur ou l’application lorsque l’utilisateur s’en rapproche et qu’ils apparaissent dans son champ de vision. Cette méthode permet d’éviter la déperdition qui intervient lorsque l’internaute clique sur une publicité qui l’a intéressée, mais se décourage en cours de route à cause de temps de chargement trop longs sur des sites extérieurs à la plateforme que Facebook ne contrôle pas.

Lorsque de tels contenus riches sont intégrés dans le fil d’actualités de ses utilisateurs, Facebook peut aller plus loin et leur proposer, à l’issue de l’interaction, un bouton « acheter » qui constitue l’idéal auquel peut aspirer la plateforme : une « transformation » effectuée par l’internaute sans qu’il ait quitté la plateforme. Son acte d’achat terminé, il reste sur place, prêt à se laisser captiver par de nouvelles images publiées par ses amis, par d’autres vidéos de chats et de chiens ou … par d’autres publicités.

Le magazine TechCrunch a recensé cette semaine les vingt nouvelles méthodes à l’aide desquelles Facebook entend « manger Internet », en reproduisant à l’intérieur de son application les contenus et expériences que l’internaute trouve ailleurs sur le Net. Les articles et publicités instantanés en font partie, mais par plusieurs autres initiatives qui étendent le champ des options disponibles à tout moment à l’intérieur de l’app, en particulier pour faciliter les achats, Facebook cherche bel et bien à « ficeler » l’utilisateur par tous les moyens, lui ôtant tout besoin voire toute envie d’aller voir ou acheter ailleurs.

Jean Lasar
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