Dernière création de la saison du TOL (deux accueils seront encore à l’affiche), Times Square (2022) de l’auteur dramatique lorrain Clément Koch, dans une mise en scène de Pauline Collet (récemment vue dans Trahisons de Pinter/Fauconnet), joue les derniers accords d’une année anniversaire. Cette fois, le ton est celui de la comédie et le mode, celui de la mise en abyme. Dans cette pièce qui parle de théâtre, il est question du métier de comédienne et de comédien, du désir de textes, de scène, de jeu, de personnages, du désir de dépasser les turpitudes du réel et de se dépasser, d’habiter le monde et de le vivre autrement.
Avec légèreté et dérision, jonglant avec une belle palette de stéréotypes et de lieux communs, Times Square questionne le temps qui passe, les succès et les échecs, passe en revue le plateau et dévoile l’envers du décor, évoque les joies, les difficultés, les (dés)illusions, les ficelles du métier, les heures de répétitions et de diction, le trac ou « la trouille de soi-même », les applaudissements et la critique. L’air de rien, la pièce aborde aussi des sujets graves, la violence domestique, les abus, les addictions, le manque de perspectives pour la jeunesse ou les épreuves de la vie qui gâchent les talents. On tangue entre comédie et drame, nostalgie (pendant l’écoute du CD de Roméo et Juliette par Matt) et absurde, passant d’une scène cocasse à un moment touchant.
Casting et pari réussis pour Pauline Collet qui dirige avec habilité le quatuor de ce sympathique Times Square. Pour cette pièce miroir sur le théâtre, elle réussit à insuffler une bonne dynamique et en propose une mise en scène rythmée, avec de nombreuses entrées et sorties des personnages, avec musiques et sons associés à chacun d’entre eux.
Spectateurs et spectatrices sont accueillis à leur arrivée dans la cour du TOL par un gigantesque Bugs Bunny avant de découvrir, non sans surprise, une salle rayonnante de rouge… tapis rouge de rigueur ! La scénographie stylisée (de Joanie Rancier) d’un appartement-théâtre new-yorkais avec vue sur Times Square et les lumières marquées (de Manu Nourdin) accentuent les choix de mise en scène. Bien vite, le public est embarqué dans le spectacle et assiste à des répétitions hautes en couleur (ainsi la lecture insolite de l’annuaire 1972 du Connecticut par Sara) alors que des comédiens viendront, eux, prendre place à ses côtés pour livrer un point de vue de metteur en scène !
New York, Times Square. Sara Bump (attendrissante Juliette Moro), jeune serveuse du restaurant « La grande table » rêve de devenir comédienne et se prépare à l’audition de sa vie, Roméo et Juliette au Majestic Theatre ! Tel est le plan d’un mystérieux client (il se dévoilera dans un inattendu rebondissement) qui lui conseille de répéter avec le fameux Matt Donovan (Jérôme Varanfrain, très convaincant), star d’hier mais désormais « périmé » selon certains, en tout cas aigri, irascible, faussement sûr de lui et fidèle au seul whisky. Chez lui, Sara fait la connaissance de Tyler (Stéphane Robles, plein d’énergie), bègue depuis ses années de guerre en Afghanistan, Bugs Bunny (il aurait préféré Buzz l’Eclair) sur Times Square pour amuser la galerie et gagner sa vie. Lui aussi rêve de théâtre et il est un des rares que Matt, professeur de circonstance, accueille avec bienveillance chez lui à part son frère Bobby (très juste et subtil Joël Delsaut), comptable discret qui cache un as du piano et un fin connaisseur des pièces d’un frère pour lequel il s’est toujours inquiété.
Times Square, c’est la rencontre improbable entre quatre grandes solitudes, entre rêves et désenchantements, entre coups de gueule et coups de cœur… dans un appartement qui se transformera au final en théâtre, leur histoire ayant pris forme sous la plume de Tyler… et se dévoilant aujourd’hui dans la petite salle du TOL.
Times Square signé Koch/Collet, un spectacle drôle et touchant sur le théâtre et sur la vie.