"L'importance et surtout la rapidité de la baisse des prix nous a surpris," avoue-t-on à l'Institut luxembourgeois des télécommunica-tions (ILT) au sujet de l'évolution des tarifs des communications GSM. Le bilan après douze mois de concurrence sur le marché de la téléphonie mobile est positif. La pression sur les opérateurs ne s'est pas seulement fait ressentir sur les prix mais aussi sur la qualité des services, puisque chaque détenteur d'un téléphone portable peut vérifier en appuyant quelques touches si le réseau concurrent est accessible là ou son opérateur ne l'est pas.
Si tout le monde peut afficher sa satisfaction - le régulateur, l'ancien monopoliste et le nouveau arrivé - cela est en premier lieu dû à l'explosion du marché des GSM. En janvier 1998, LuxGSM comptait 68 000 abonnés. Selon les derniers chiffres, le réseau de l'EPT et celui de Tango cumulent aujourd'hui 148 000 clients. La croissance était bien sûr la plus forte chez Tango. Lancé fin mai 1998, le deuxième réseau annonce 48 000 abonnés. Mais LuxGSM n'a pas à se plaindre non plus puisqu'il affiche entre-temps 100 000 clients, 20 000 de plus qu'encore en septembre dernier. En prenant en compte les parts de marché des fournisseurs de services, le marché est divisé entre Tango (32 pour cent), CMD (28 pour cent), Mobilux (26 pour cent) et l'EPT (quatorze pour cent). Les trois derniers ne commercialisent pas seulement le même réseau, LuxGSM, mais l'EPT détient aussi Mobilux à cent pour cent et vient de prendre une participation de 34 pour cent dans CMD.
Si le nombre d'abonnés a augmenté, les marges de bénéfice ont toutefois diminué substantiellement. La dernière baisse de prix d'un réseau GSM date de début mai. L'Entreprise des postes et télécommunications (EPT) s'est toutefois contentée d'aligner ses prix sur ceux des fournisseurs de service du réseau LuxGSM. La guerre des prix semble être venue à un terme. En prenant un abonnement de 500 francs par mois comme base, les prix des communications aux heures de pointe ont été coupés par trois en passant de trente à dix francs la minute. Un certain prix de base semble toutefois inévitable avec les communications les moins chères s'élevant toujours à 4,5 francs contre cinq francs avant la libéralisation.
Mais il y a aussi d'autres prix qui se maintiennent à un niveau élevé et notamment ceux pour les appels du réseau fixe vers les réseaux GSM avec quinze francs aux heures de pointe et dix francs le soir. Comme ces appels ne causent pas de coûts plus élevés que ceux d'un mobile vers le réseau fixe, il est clair que les marges de bénéfice n'ont pas baissé partout. La répartition de ces revenus entre l'opérateur du réseau fixe et celui du réseau GSM n'est pas connue. La majeure partie du pactole revient d'une manière ou d'une autre à l'EPT, puisqu'elle joue sur les deux tableaux. Reste à voir si la libéralisation du réseau fixe apportera une évolution ou si la Commission européenne décidera d'intervenir, puisque le problème persiste un peu partout en Europe.
Pour Millicom Luxembourg, c'est une année de dure labeur qui vient à terme. Des efforts récompensés puisque les prévisions de l'équipe autour de Claude Bintz ont été largement surpassées. Celles-ci portaient en fait sur
17 000 clients pour fin 1998, un chiffre dépassé dans les deux mois après le lancement de Tango. En vue de ce succès indéniable, il était d'autant plus facile d'avouer ce que les clients Tango savaient depuis des mois déjà. Le système de facturation, qui vient d'être remplacé, a posé d'importants problèmes. Pendant des mois, et avec un important retard, les factures ont dû être établies manuellement par une équipe de cinquante personnes. Les problèmes se seraient toutefois limités à des retards de facturation. Tous les appels effectués auraient donc été facturés.
Une des questions quant à l'explosion du nombre d'abonnés à un réseau GSM portait sur le nombre de doubles abonnements. Ce phénomène s'était développé à cause des conditions de lancement exceptionnelles offertes par Tango. Chez Millicom, le nombre de résiliations de contrat se serait en tous les cas limité à 87 cas. S'y ajoutent 500 contrats de mauvais payeurs qui ont été abrogés sur initiative de Tango. Des chiffres qu'on aurait pu craindre plus important selon Claude Bintz, vu les promotions lors du lancement.
Après la guerre des prix, les opérateurs et fournisseurs de services jouent la concurrence de plus en plus sur les services et les produits spécifiques. La principale novation du côté des services est la mise en uvre, d'abord par Tango, puis par LuxGSM, de réseaux 1800 Mhz. Ceux-ci permettent d'élargir la capacité des réseaux et aussi une meilleure couverture, surtout à l'intérieur de bâtiments. Tango couvre pour l'instant surtout la capitale et la moitié sud du pays alors que le réseau 1 800 Mhz de LuxGSM fonctionne seulement à Luxembourg ville. Pour pouvoir en profiter, il faut toutefois disposer d'un téléphone dual band, qui peut passer du réseau 900 Mhz à celui de 1 800 Mhz. Les ventes de nouveaux appareils téléphoniques ne sont donc pas prêtes de baisser.
En ce qui concerne la tarification, on voit apparaître des produits de plus en plus ciblés. CMD vient ainsi de lancer la formule Freephone qui permet de profiter d'un prix avantageux en payant d'avance soixante minutes de communication par mois. Du côté de Tango, la rentrée verra l'introduction d'une formule Home Zone qui permet de profiter de tarifs spéciaux si on appelle d'une zone géographique prédéfinie, par exemple chez soi ou au lieu du travail. Cet abonnement vise en fait des personnes qui veulent adopter un GSM en remplacement du téléphone classique.
La dynamique de la concurrence a en tous les cas permis au Luxembourg de n'être devancé que par les seuls pays scandinaves et l'Italie en termes de nombre de téléphones mobiles par habitant. Si à l'origine de cette explosion se trouvait un réel besoin de communiquer est cependant une autre question.