Boris Loder : Urban elements

La beauté du délabré

d'Lëtzebuerger Land du 16.08.2013

On les a découverts sur Internet, par le biais des réseaux sociaux et des likes et shares d’amis sur Facebook : les Urban Elements de Boris Loder, artiste photographe. Commencée il y a plus d’un an, la série de photos montre des éléments urbains, donc, sortis de leur contexte. Détourés sur fond blanc, hyper nickel, ces bâtiments de Manchester ou de Tübingen, ces blocs d’appartements déglingués ou ces tours en chantier à Berlin ou à Londres sont presque sacralisés, comme des totems de la vie urbaine. Hors contexte, qu’il s’agisse d’une grande capitale ou d’une ville de province, ils deviennent universels.

Puis apparaissaient, soudain, des images du Luxembourg : le Kiosk de l’Aica place de Bruxelles – avec sa mise en abyme par Christian Aschman exposée à l’intérieur –, une borne d’appel de taxis de l’avenue de la Liberté, ou encore cet « arbre urbain » de la place Guillaume, auquel est fixé un compteur électrique de fortune (voir en Une). Ce regard aiguisé pour les éléments les plus banals de notre entourage, cette volonté de rendre attentif aux éléments urbains sans prétention, utilitaires plutôt que décoratifs, que les utilisateurs de l’espace public – habitants, passants, ouvriers, chauffeurs de taxis, artistes graffiti,... – s’approprient d’une manière ou d’une autre, rendent ce travail intéressant.

À presque 31 ans, Boris Loder vit et travaille désormais au Luxembourg. Autodidacte en photographie, il est de cette génération qui apprend tout par des didacticiels sur Internet : le perfectionnement en photographie, le maniement du logiciel Photoshop... « Les gens me disent souvent : ‘ah, c’est juste une photo de rue’, mais en réalité, chaque image de la série des Urban Elements demande des heures, des jours, voire parfois des semaines de travail afin d’obtenir ce résultat minimaliste, » raconte celui qui habite désormais – « forcément » aurait-on tendance à dire, au vu de son travail photographique – le quartier de la gare.

Après des repérages, lorsqu’il a trouvé son objet idéal, que ce soit un bâtiment ou, de plus en plus souvent, du mobilier urbain, de plus petite dimension, il commence par prendre des photos au grand angle. De plusieurs perspectives afin de capter au maximum le volume de l’objet. Puis les images sont montées en une seule, afin d’obtenir une sensation de trois dimensions, l’objet détouré – avec ou sans lignes de fuites ajoutées au crayon, avec ou sans ombre dessous, tentant de le relier à l’horizontale. « Mes références se trouvent dans le dessin d’architecture et dans la peinture, explique Boris Loder, j’essaie toujours de donner une matérialité aux images ».

Des photos qu’il vend aussi directement par Internet, en offrant des commandes sur son site. Elles sont alors imprimées sur papier à la cuve à Londres et expédiées par la poste. Car une fois qu’on se définit comme artiste photographe, encore faut-il trouver

une singularité et un public. Boris Loder doit sa notoriété à Internet : son site a mené vers une invitation à présenter son travail sur qwerfeldein.de, un blog spécialisé en photographie, qui lui a valu d’être reposté sur de nombreux autres blogs – et lui a amené plus d’un millier de likes sur Facebook (autant que le LSAP à peu près...) « J’aime beaucoup l’immédiateté des réseaux sociaux, affirme-t-il. Ma série n’est pas statique, elle évolue sans cesse, et les commentaires des gens qui regardent mes images en-ligne me permettent souvent de la faire évoluer dans le bon sens, ils me font remarquer des détails intéressants dont je ne m’étais peut-être pas rendu compte. »

Puis il s’agirait de trouver une galerie ou une agence, qui promeuve son travail. Qui pourrait correspondre à la presse magazine, genre Brand Eins – on imagine tout à fait ces clichés très propres dans les pages très soignées de magazines sur papier glacé. « Je fais aussi des portraits, des mariages, je montre toujours tout ce que je sais faire quand je me présente, raconte Boris Loder. Mais il ne fait pas de doute : mon truc à moi, c’est la photo de rue, de préférence en noir et blanc, puriste, qui ressemble à l’analogique de par son grain et à sa texture. » Avant d’ajouter : « Mon but étant toujours de montrer la beauté du délabré, de ce qu’on ne voit plus en se promenant dans la ville. J’aime ce contraste entre un objet mal aimé et un traitement puriste ».

On lui a recommandé des repérages à Differdange, Kayl ou Esch Grenz...

Pour voir plus de photos : www.boris-photography.blogspot.de.
josée hansen
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