Humains

Retour à l’âge de pierre

d'Lëtzebuerger Land du 30.04.2009

Le cinéma de genre a pour un réalisateur l’avantage de lui offrir des conventions qu’il peut suivre et/ou réinventer à sa guise. L’exercice n’est pourtant pas aussi simple, car le public de son côté tient lui aussi sa part d’expérience et surtout, les fans du type de film en question ont un regard rodé concernant ces caractéristiques. Bref, pour l’exprimer dans un langage plus familier : le spectateur ne se laisse pas prendre pour un con !

Après avoir laissé huit euros à la caissière du multiplexe de son choix – prix auquel il aurait pu déjà piocher le DVD d’un bon classique du bac d’une grande surface de l’électronique – il pourrait légitimement s’attendre à des critères de qualité minimales pour ce qu’on lui propose à l’écran. Surtout si les acteurs à l’affiche ont déjà collaboré à plusieurs reprises avec Jean-Pierre Jeunet (Dominique Pinon), sont des gagnants du César (Sara Forestier) ou comptent parmi les acteurs les plus populaires de l’Hexagone (Lorànt Deutsch).

Côté scénario, l’amateur du film fantastique, a priori ouvert à tous les délires improbables, accepte sans problème l’idée qu’il existerait encore des hommes préhistoriques sur terre. Pourquoi pas, si le film arrive à nous le faire croire pendant une heure et demie ? Or, dans Humains la crédibilité fait défaut dès les premières minutes. Un dialogue à hérisser les poils entre la jeune paléontologue Nadia (Sara Forestier, fausses lunettes à l’appui) et la famille de Gildas (Dominique Pinon) dans le train qui les mènent dans le Lötschental, annonce la couleur des 90 minutes à venir. 

Nadia y rejoint le professeur Schneider (Philippe Nahon) et son fils Thomas (Lorànt Deutsch) pour une expédition scientifique dans la région. Gildas et sa famille y comptent passer des vacances. Mais en route pour leur hôtel, ils tombent en panne et Thomas propose de les déposer. Tous les protagonistes ainsi réunis dans un même véhicule, le malheur suit son cours. Pour esquiver une bête, Thomas sort de la route et le minibus tombe dans une vallée qui ressemble étrangement à la petite Suisse luxembourgeoise. Les miraculés de l’accident cherchent alors à ce frayer un chemin jusqu’au prochain village. Mais d’étranges créatures aux fronts très prononcés les poursuivent…

La chasse à l’homme qui s’ensuit est une véritable surenchère de moments ridicules et mal réalisés comme celui où nos héros essaient de traverser un torrent à l’aide d’une corde. En plein milieu du courant d’eau, Gildas et sa fille n’arrivent plus à avancer et risquent de lâcher. Cut. Gildas et sa fille arrivent sains et saufs sur la rive opposée, mais on ne saura jamais comment. 

Les réalisateurs Jacques-Olivier Molon et Pierre-Olivier Thévenin, spécialisés dans les effets spéciaux, nous surprennent dans chaque scène avec de nouveaux raccords fascinants de la sorte et une direction d’acteurs épouvantable. Le meilleur est pourtant réservé pour la fin : Un dialogue en suisse-allemand entre Marc Olinger (dans le rôle du maire du village) et Marie-Paule von Roesgen (interprétant sa mère) comptant parmi les moments les plus étranges qu’on ait pu voir sur au cinéma, fait définitivement tomber ce prétendu thriller fantastique dans le grotesque.

Humains, co-production entre la Suis­se, la France et le Luxembourg (Iris Productions) est sans aucun doute le plus grand ratage que l’on aura vu sur grand écran depuis longtemps. 

Fränk Grotz
© 2024 d’Lëtzebuerger Land