J'aurais voulu être un danseur

Le chanteur sous la pluie

d'Lëtzebuerger Land du 22.11.2007

Après le braquage raté d’une pharmacie, François (Vincent Elbaz) tombe amoureux de Blanche (Cécile de France), la fille du pharmacien (Bernard Varin). Suite à cette rencontre plutôt hors du commun, le jeune homme errant semble enfin casé et orienté. Il devient papa, gérant d’un vidéoclub et heureux propriétaire d’une maison. Mais c’est en voyant la performance de Gene Kelly dans Singin’ in the rain que François se découvre sa véritable destinée : devenir danseur de claquettes. Le travail aussitôt perdu pour cause de distraction permanente, il s’inscrit dans un cours de danse. Faisant croire à Blanche qu’il enchaîne les entretiens d’embauche, François tente sans succès de persuader des directeurs de casting de ses talents de danseur médiocre. Mais la vérité ne tarde pas à faire face et Blanche oblige son mari à choisir entre la famille et la comédie musicale. C’est alors qu’apparaissent les parallèles entre la vie de François et celle de son père qui jadis l’avait abandonné pour une carrière de… danseur de claquettes.Le réalisateur belge Alain Berliner, dont quelques-uns ont sûrement retenu l’excellent Ma vie en rose (1997) et le moins bon Passion of Mind (2000) avec une faible Demi Moore dans le rôle principal, s’intéresse une fois de plus aux thèmes de la dualité de l’être humain et des conflits entre l’être et le paraître. En enrobant l’histoire tragique d’un père abandonnant sa famille dans la légèreté de la comédie musicale, Berliner enlève aux faits leur consistance lourde mais non pas leur conséquence. L’endurance et la passion du personnage principal nous fascinent au point d’oublier sa lâcheté, jusqu’au moment où son fils (Marc Castellani) le regarde tristement quitter la maison pour toujours. Ce qui se révèle comme tradition, voire même fléau dans la famille de François ne saura être rompu que par une dure confrontation avec son propre passé.Vincent Elbaz (que l’on retrouve actuellement aussi à l’affiche du Dernier Gang d’Ariel Zeitoun) porte sans problèmes à la fois le défi physique et psychologique de ce périple sur ces épaules. Après un entraînement intensif de huit mois, l’acteur a su réunir pour son incarnation de François la maladresse d’un corps baraqué avec l’élégance d’un danseur. C’est ainsi qu’il emmène le spectateur avec une intensité égale dans les numéros musicaux fortement colorés et la réalité grisâtre d’une vie trop conventionnelle.La co-production Samsa Film J’aurais voulu être un danseur marque moins par sa mise en scène que par la franchise de son message. Entre une vie familiale classique et celle d’un artiste qui ne doit des comptes qu’à lui-même, le film n’émet pas de jugement moral définitif. Sur un air mélancolique non désagréable, il en vient à la conclusion que souvent, les deux n’ont d’autre choix que de coexister.Les transitions entre les différentes générations fonctionnent, à l’exception des scènes ayant lieu dans un futur proche. Introduites en guise de prologue et d’épilogue, elles sont légèrement ridicules dans leur apparence et superflues dans leurs propos.Notons encore que cette tragicomédie marque également une des dernières apparitions de l’acteur Jean-Pierre Cassel, décédé le 19 avril 2007. Interprétant le père du protagoniste, il a pu rendre ainsi hommage à un de ces propres maîtres, le grand Gene Kelly qu’il avait rencontré à Paris à la fin des années 1950.

 

Fränk Grotz
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