Quotas d’accueil et fermeture des frontières

Europa ?

d'Lëtzebuerger Land du 18.09.2015

Jean Asselborn ne veut pas abandonner. Et surtout, il ne veut pas laisser la main sur la difficile question des quotas d’accueil de réfugiés en Europe aux chefs d’État et de gouvernement, comme l’a proposé la chancelière allemande Angela Merkel après l’échec du conseil Justice et affaires intérieures à Bruxelles ce lundi. Présidant le conseil des ministres et convaincu que l’Europe joue son sort et sa crédibilité sur la question de la générosité, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères et de l’Immigration a donc convoqué un nouveau conseil extraordinaire sur ce sujet pour mardi prochain, 22 septembre.

Il est vrai que l’Europe risque de se briser sur la question migratoire actuellement. Parce que les pays qui se montrent généreux, comme notamment l’Allemagne (qui estime qu’un million de réfugiés pourraient frapper à sa porte d’ici la fin de l’année), se sentent abandonnés par ceux qui sont moins sollicités et ne se montrent guère solidaires. Parce que les pays qui ont des frontières extérieures à l’espace Schengen, comme la Hongrie, l’Italie ou la Grèce, sont dépassés par la charge des nouveaux arrivants, un demi-million depuis le début de l’année selon l’agence Frontex. Ils n’arrivent plus à gérer seuls l’accueil et l’enregistrement des migrants ou affirment vouloir « protéger » l’Europe d’un afflux massif de migrants majoritairement musulmans. Parce que l’image du continent qui se revendique être le berceau des droits de l’homme est désormais marquée par des fils de fer barbelés qui excluent et des policiers qui chassent des migrants voulant traverser ses frontière, alors que la population se montre, au contraire, majoritairement très empathique.

Lundi, les ministres européens ont trouvé un accord définitif pour l’installation d’un premier contingent de 40 000 personnes au sein de l’Union, accord a minima dont se réjouissait Jean Asselborn dans un communiqué lundi soir, saluant également le fait que suite à cette réunion, les hotspots, ces points d’enregistrement des nouveaux arrivants sur le territoire européen gérés par l’Union, puissent commencer à fonctionner dans la foulée. Mais 40 000 personnes sur une population de 745 millions d’Européens, ce n’est rien. Actuellement, 4,3 millions de Syriens (sur 23 millions avant la guerre) ont fui leur pays, la très grande majorité d’entre eux ayant trouvé refuge dans les pays voisins, 1,9 million en Turquie ou 1,1 au Liban ; les 348 000 migrants syriens frappant aux portes de l’Europe sont une minorité.

Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a proposé des quotas de distribution pour 120 000 personnes supplémentaires (le Luxembourg devrait alors en accueillir 440), des demandeurs de protection internationale actuellement bloqués en Italie, en Hongrie et en Grèce. Or, les positions de refus, notamment des pays de l’Est, se raidissent sur ce point. Bien que Jean Asselborn et son homologue allemand Frank-Walter Steinmeier redoublent d’efforts pour tenter de convaincre le « groupe de Visegrad » (Pologne, République tchèque, Slovaquie et Hongrie) de donner leur accord sur la mesure. La Hongrie, qui pourtant serait déchargée par l’introduction de tels quotas, s’oppose surtout au principe même d’une ingérence de l’Europe sur ce qu’elle estime être une question nationale.

C’est donc à une Europe des égoïsmes nationaux que l’on assiste actuellement, une forteresse Europe qui érige des murs de plus en plus hauts à ses frontières et abandonne ses principes fondateurs comme la libre-circulation des citoyens sur son territoire, alors que l’Allemagne, l’Autriche, la République tchèque, la Slovaquie ou la Hongrie réinstaurent des contrôles aux frontières, jetant Schengen dans un profond coma. « L’Europe fait face à un moment de vérité, avait souligné le haut commissaire de l’Onu pour les réfugiés António Guterres en début du mois. Il serait temps qu’elle réaffirme les valeurs sur lesquelles elle est construite. » L’aval donné hier, jeudi, par une très grande majorité des députés européens (370 pour, 134 contre et 52 abstentions) à l’introduction de ces quotas pourrait aider à débloquer la situation la semaine prochaine.

josée hansen
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