Procès Biermann

Les limites du franc-parler

d'Lëtzebuerger Land du 17.06.2010

L’ancienne juge Marguerite Biermann a été relaxée hier par le tribunal correctionnel de Luxembourg en ce qui concerne l’incitation à la haine contre la communauté juive au grand-duché. Elle a par contre été condamnée pour injures à une amende de mille euros avec sursis.

Le 14 décembre 2009, elle avait pointé du doigt les membres de la communauté juive au Luxembourg, trop passifs à ses yeux face aux brutalités commises à l’encontre de la population palestinienne. Elle dit avoir voulu aider cette communauté à sortir de sa torpeur, la pousser à réagir face à la politique d’Israël. Elle a obtenu le contraire avec une plainte déposée contre elle par le Consistoire israélite (d’Land du 14 mai 2010).

« De par ses connaissances et compétences, Marguerite Biermann était apte à connaître l’impact des termes choisis et la rédaction du texte écrit lu en tant que Carte blanche et les écrits ultérieurs se basaient sur un acte réfléchi et délibéré, écrivent les juges. L’utilisation, dans ce contexte, des expressions outrageantes par la prévenue fut partant un choix réfléchi de sa part et est partant à qualifier d’intentionnel. » Les juges ont voulu marquer l’effet de principe et se justifient par le fait que la prévenue se soit obstinée à la barre : « Les déclarations de la pré-venue à l’audience établissent que celle-ci n’a nullement entrepris un travail d’introspection. » En même temps, ils reconnaissent qu’elle ne pouvait avoir le recul nécessaire pour l’accomplir, croyant avoir « bien agi » et devoir se battre pour la liberté d’expression. Son intervention personnelle lors de l’audience n’a donc pas eu l’effet escompté. De son côté, le Consistoire israélite a obtenu l’euro symbolique pour la réparation de son préjudice.

Le tribunal est d’avis qu’il y a eu injure, mais pas d’incitation à la haine. Même si « les auditeurs de la Carte blanche n’ont pas nécessairement ces capacités d’entendement et de réflexion » pour saisir le contexte géopolitique dans lequel s’inscrit le message de l’ancienne magistrate, on ne peut pas reprocher à Marguerite Biermann d’avoir provoqué des sentiments d’aversion violents contre la communauté juive. Des sentiments négatifs, oui, mais pas la haine.

Marguerite Biermann a indiqué après le prononcé qu’elle allait vraisemblablement interjeter appel.

anne heniqui
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