Biographies luxembourgeoises (9) : Léon Laval

Un grand patron dans la tourmente

d'Lëtzebuerger Land du 11.09.2015

Le 28 mai 1941, l’un des hommes les plus puissants et en même temps les moins connus du pays est arrêté. Le SD enquête et nous permet d’en savoir un peu plus sur l’action d’un grand patron face aux événements de la guerre et de l’occupation.1 Léon Laval (1980-1957) était connu comme un homme dur en affaires, un homme prêt à tout pour atteindre ses buts, un homme qui même en temps de paix faisait toujours la guerre. Laval était avare en paroles, il ne laissa pas de mémoires, ne signa pas d’articles et fit peu de discours. Un homme d’affaires ne parle pas.2

Petit-fils de l’un des trois frères Metz qui fondèrent la sidérurgie luxembourgeoise, il devint le secrétaire particulier de son cousin Mayrisch en 1907 avant d’accéder au poste de secrétaire général de l’Arbed en 1911 et à celui de commissaire en octobre 1918. Il épousa en 1917 Anne Tudor et prit une option sur la société multinationale des « Accumulateurs Tudor ».

Léon Laval était un héritier. Son père était Auguste Laval, compagnon de route du Premier ministre Paul Eyschen et président de la Chambre des députés, excommunié pour avoir fait voter la loi scolaire. Élu député à la place de son père, Léon Laval défendit d’abord des positions radicales avant de se séparer des partisans d’une république lors de la crise dynastique, fin décembre 1918.

Ses anciens amis le poursuivirent de leurs quolibets. Pour Emile Mark, il était le coffre-fort qui parlait. Pour le Escher Tageblatt il était le « jeune élégant » qui avait proclamé la princesse Charlotte Grande-Duchesse avec l’appui de la réaction cléricale.3 Il fut battu aux élections de 1919, victime de ses amis et du suffrage universel. Il se retira de la vie publique et entra dans la clandestinité du monde des affaires. Tapi dans la pénombre des conseils d’administration, il tissa patiemment sa toile.

Laval aurait pu devenir un capitaine d’industrie, inventeur de nouveaux procédés de fabrication de l’acier. Il comprit qu’il ne suffisait pas d’inventer et de produire, que l’essentiel était d’acheter et de vendre, de rassembler les facteurs de production en nouant des relations d’affaires au-delà des frontières. Il savait que le sort de l’industrie luxembourgeoise se jouerait à l’extérieur. Il devenait un acteur international.

Cette nouvelle étape commença le 29 décembre 1918 lors d’un voyage d’affaires qu’il fit en compagnie de son cousin, le baron Auguste de Jacquinot. Jacquinot avait été envoyé à Paris par le gouvernement Reuter pour renouer avec le gouvernement français qui avait refusé de recevoir « les ministres de la grande-duchesse Marie-Adelaïde ». Le 31 décembre 1918, Jacquinot était reçu au Quai d’Orsay pour plaider « la solution Charlotte ». Il se fit accompagner par Laval. Laval ne dit pas à Jacquinot pour quelles affaires il s’était rendu Paris mais il est fort probable qu’elles étaient en relation avec la dénonciation du Zoll-verein et avec le sort des usines de Belval et de Differdange, qui appartenaient à des sociétés allemandes. Si Mayrisch négocia la vente de Belval, Laval servit d’intermédiaire lors de la vente forcée des Aciéries de Rombas, des Hauts-Fourneaux de Rédange et de la Deutsch-Luxemburgische Hüttengesellschaft de Differdange et fut récompensé par la nomination dans les conseils d’administration de ces trois sociétés

Le 15 juillet 1919, Laval fonda la « Société générale pour le commerce des produits industriels à Luxembourg» (Sogeco) après avoir acquis la représentation générale du « Groupement charbonnier belge » et avant de fonder la « Société luxembourgeoise pour le commerce des matériaux de construction » qui fut une sorte de comptoir du ciment. En une période de pénurie, la Sogeco essayait de cartelliser le commerce extérieur avec un bureau au port d’Anvers et des sociétés de transport et d’assurance apparentées, dont naîtra Le Foyer en 1922. Laval n’était pas le seul à se lancer sur ce terrain. En 1919, l’Arbed s’attachait les services de la « Belgo-Luxembourgeoise » de l’ingénieur belge Hector Dieudonné qui devint la Columeta et l’AEG fondait à Luxembourg la SOLPEE pour l’équipement électrique du bassin industriel transfrontalier avec comme partenaires luxembourgeois Auguste Jacquinot et Max Arendt.4

Laval faisait le commerce de tout : charbon belge ou allemand, minerai français, huile, sable, ciment, explosifs, manganèse, aciers spéciaux. Il attendait son heure pour pouvoir intégrer dans ce dispositif la « Société des Accumulateurs Tudor », une entreprise multinationale gérée comme une entreprise familiale par son beau-père, l’inventeur Henri Tudor, et partenaire de la société d’accumulateurs allemands AFA. Laval avait réuni dans son carnet d’adresses les noms qui comptaient dans le gotha des finances, J.J. Puech, Théodore Laurent, Louis Mercier, Paul Tschoffen, Alexandre Galopin, Gaston Barbanson.

À l’aube des années trente, la situation de Laval dans le monde des affaires était suffisamment assurée pour lui permettre de faire un retour dans le domaine public. En 1934, il prit la tête du Nouvel automobile club qui organisait des compétitions sportives, des concours d’élégance et des fêtes de bienfaisance. Il assura également la présidence de l’« Alliance française » jusqu’à l’arrivée des Allemands en 1940 et devint le principal bailleur de fonds de la presse francophone du pays. En 1937, il fut désigné comme commissaire général du pavillon luxembourgeois de l’Exposition mondiale de Paris. Pour les partisans du Troisième Reich il était devenu le porte-drapeau du parti français qui s’opposait au parti allemand.

C’était mal connaître Laval que de lui prêter de tels desseins. L’Indépendance Française qui défendait depuis 1871 une certaine idée de la France, celle de Victor Hugo, d’Emile Zola et de Charles Péguy était sabordée en 1934 à cause de ses problèmes financiers et de ses prises de position contre le péril nazi. Un nouveau journal prenait sa place, le Luxembourg, qui devenait l’organe de ce qu’on appelait la colonie française et qui réunissait les cadres des entreprises françaises et belges, les agents diplomatiques et d’autres agents. Il veillait sur les « intérêts français » qu’il croyait menacés par l’ennemi intérieur plutôt que par Hitler. Le Tageblatt dénonça derrière le rachat du seul média francophone le complot d’un homme « der seit dem Tode von Robert Brasseur in der Indépendance Luxembourgeoise und in unseren französischen Gesellschaften den grossen Manitou spielt, zugleich aber Direktor eines industriellen Verkaufsinstituts ist, das mit Deutschland manches Geschäftchen macht. »5

Le Tageblatt avait vu juste. Le nouveau journal francophone s’illustra par ses campagnes contre le Front Populaire, pour la loi-muselière et pour le refoulement dans leur pays d’origine des réfugiés politiques italiens et allemands que le journal appelait le « troupeau des galeux ».6 En février 1936, Laval invita à la tribune de l’Alliance française l’orateur antisémite Philippe Henriot, qui deviendra le ministre de la Propagande de Pétain.7 Le SD allemand faisait preuve d’une grande retenue quand il parlait de Laval: « Träger der französischen Propaganda ist die Alliance française. Laval, ihr Präsident, ist eine angesehene Persönlichkeit. Ihm zur Seite steht Professor Josef Hansen, französischer Spion im Weltkrieg. »8

Un étrange voyage éveilla cependant les soupçons de l’ambassade d’Allemagne à Luxembourg. En décembre 1939, Laval se rendit à Berlin pour une réunion du conseil d’administration de la Halberger Hütte. Depuis septembre 1939, la guerre était déclarée entre la France et l’Allemagne et les échanges économiques étaient en principe suspendus. Laval n’avait pas demandé de visa à l’ambassade allemande à Luxembourg mais avait obtenu l’autorisation d’entrée sur le territoire allemand par des voies détournées.

Une enquête permit d’établir que Laval était parti chargé d’une mission par le Comité des forges et le Comité des houillères et qu’il s’agissait d’établir la production mensuelle de charbon, de fer, d’acier, de combustibles divers, de nickel et d’étain ainsi que les besoins en manganèse, les réserves stratégiques de matières premières et la capacité de fabrication de sous-marins. Laval aurait vu avant son départ pour Berlin l’industriel Schneider-Creusot, le banquier Tannery, les responsables des Aciéries de Knutange et de la Compagnie générale de l’électricité ainsi que le colonel Peron, secrétaire général de l’Automobile club français. En Allemagne, Laval contacta Edouard Houdremont (1896-1958), un ingénieur luxembourgeois, membre du directoire de Krupp, nommé par Hitler « Wehrwirtschaftsführer », avec qui Laval avait étudié à la TH Aachen.

S’agissait-il d’espionnage ou de la simple poursuite de relations d’affaires transnationales ? L’enquête ne put pas l’établir avec certitude. Diligentée par l’Abwehr elle ne remonta pas jusqu’au Reichs-sicherheitshauptamt et sommeilla dans les cartons de l’ambassade jusqu’en février 1941.

Laval était à Bruxelles quand les armées allemandes franchirent la frontière luxembourgeoise. Il fit convoquer aussitôt un conseil d’administration extraordinaire de la Société Tudor qui prit trois décisions consignées avant le début de la réunion : 1. Transfert du siège de Bruxelles à Paris. 2. Transfert de capitaux aux États-Unis. 3. Cooptation de Léon Laval et de Lambert Jadot de la Société du Congo dans l’exécutif. Ensuite Laval partit à Lille, Paris, Vichy et dans le Sud-Ouest de la France.

Pendant son absence, l’usine de Bruxelles-Florival fut bombardée et l’entreprise Tudor placée sous séquestre. Le capitaine Fürst de l’armée allemande fut nommé le 29 juillet 1940 pour gérer l’entreprise. Fürst travaillait depuis 25 ans pour l’AFA, la société d’accumulateurs allemande appartenant au « Konzern » de la famille Quandt avec laquelle l’entreprise Tudor entretenait des relations de partenariat et qui essayait maintenant de mettre la main sur le butin de guerre. Pendant ce temps Laval était loin. Il avait opté pour la France et la France avait perdu.

En juillet 1940 Laval réapparut à Luxembourg. La Commission administrative dirigée par Albert Wehrer essayait d’assurer le fonctionnement des services publics et de faire redémarrer l’économie afin de sauver ce qui pouvait l’être dans le cadre du nouvel ordre international. Dans une situation qui semblait sans issue Laval devenait un intermédiaire indispensable. Lors d’une réunion de la Commission politique de la Chambre des députés qui eut lieu au domicile de son président Emile Reuter dans les premiers jours d’août, Wehrer proposa d’avoir recours aux services de l’homme d’affaires. « M. Laval répondit que M. Goerens était à Luxembourg et que je pourrais le voir le soir même à la Sogeco. »9

Paul Goerens (1882-1945) avait lui-aussi fait ses études à la TH Aachen. Après une carrière académique brillante il fut recruté par Krupp en 1917 en pleine guerre, accéda au Directoire en 1929 et fut nommé « Wehrwirtschaftsführer » en 1937. En avril 1943 il devint directeur-adjoint de la Société Krupp et en octobre 1945 il mit fin à ses jours. La rencontre entre Wehrer et Goerens resta sans suites. Wehrer avait tenté de convaincre Goerens de faire une démarche auprès d’Alfred Krupp afin que celui-ci demande à Hitler d’annuler la nomination du Gauleiter Simon.

Que faisait Goerens dans les bureaux de la Sogeco à Luxembourg en août 1940 ? Pour Laval il importait avant tout de reprendre le contrôle de la Société des accumulateurs Tudor à Bruxelles. Il s’agissait d’agir au plus vite et de s’adapter sans conditions aux nouveaux rapports de force. Les accumulateurs fabriqués par la Société Tudor avaient une importance militaire décisive pour l’équipement des avions et des sous-marins. À défaut de pouvoir aider les Français, Laval ne voyait pas d’autre possibilité que de se mettre au service de l’état-major allemand en tant que fournisseur des armées.

Goerens mit Laval en relation avec Herbert Goering, un parent du Feldmarschall. Avec Herbert Goering, Laval se rendit chez le major Schultze, chef de la Rüstungsinspektion à Bruxelles. Grâce à cette alliance insolite Laval réussit à éliminer Fürst et à se faire attribuer les pleins pouvoirs lors d’une assemblée du conseil d’administration tenue le 11 décembre 1940. Il se fit accorder le droit de négocier seul les contrats d’armement avec la Kommandatur et l’accès aux moyens financiers. Laval avait réussi à retourner la situation et était désormais seul maître à bord.

Le triomphe de Laval fit cependant des mécontents : son beau-frère John Tudor, qui avait facilité la mainmise allemande en juillet 40, et surtout la puissante famille Quandt, propriétaire de la société AFA. Magda Goebbels, l’épouse du ministre de la Propagande, avait été mariée en premières noces avec Günther Quandt. Elle détenait de ce fait de puissants intérêts dans l’entreprise. La concurrence entre les sociétés Tudor et AFA risquait de déboucher sur un combat de chefs au sein du Troisième Reich entre Goering et Goebbels.

Un troisième acteur entra en jeu, le Reichssicher-heitshauptamt de Heydrich. Fin novembre 1940, le SS-Obersturmführer Zeidler fut envoyé à Luxembourg pour enquêter sur l’Arbed. Depuis l’avant-guerre l’agent Schellenberg du SD de Cologne rédigeait des rapports sur la sidérurgie luxembourgeoise, mais cette observation lointaine ne permettait ni d’agir sur le terrain ni de pénétrer dans le fonctionnement interne de l’Arbed. En février 1940, une enquête sur la société allemande Felten et Guillaume, une tréfilerie de Cologne, filiale de l’Arbed, explora les relations de cette société avec l’Arbed et de celle-ci avec le trust Schneider-Creusot. Le SD s’intéressait plus particulièrement au transfert éventuel de secrets de fabrication et de licences d’inventions à une puissance ennemie. En novembre 1941, Zeidler fut chargé de reprendre cette enquête en se concentrant sur les relations internationales de l’Arbed et sur son personnel dirigeant. En février 1941 Zeidler termina son étude. Il proposa au chef de la Gestapo d’arrêter le directeur Henckes et de camoufler cette mesure sous un prétexte politique et de s’attaquer ensuite au cas Laval.

Laval avait participé encore début février 41 à une entrevue au plus haut niveau avec Herbert Goering et Siekmeier, SS-Obersturmbannführer et Regierungspräsident du Gau Moselland. Le 16 février 1941, le RSHA envisagea à Berlin d’arrêter Laval après avoir pris connaissance du rapport de l’Abwehr concernant le voyage de Laval à Berlin en décembre 1939 et des soupçons d’espionnage pesant sur lui. L’arrestation intervint trois mois plus tard, le 28 mai 1941, après que Zeidler eut réussi à interroger le directeur de la cimenterie de Florange, l’homme qui avait été à l’origine des informations sur Laval.

Pour Laval une longue période d’épreuves commença, où les séjours en prison alternaient avec les assignations à résidence et les libérations provisoires, avec une courte apparition au camp de Hinzert et des séjours de convalescence aux bains de Mergentheim et au Palast-Hotel de Baden-Baden. Le directeur de la prison de Düsseldorf traita avec respect cet homme qui avait atteint la soixantaine et souffrait de diabète, mais la Gestapo le harcela avec constance, utilisa contre lui l’arrestation pour faits de résistance de son fils. Elle ne voulait pas anéantir cet homme dont le Troisième Reich pouvait encore avoir besoin, elle voulait seulement l’obliger à lâcher prise.

L’honorable Dr. Holtzendorf, directeur de l’AFA et homme de confiance de Quandt, accompagnait la Gestapo lors des visites dans sa cellule. Il fallait que Laval vende son paquet d’actions Tudor et il serait libre. Son beau-frère, John Tudor, avait vendu ses propres actions après son éviction de la direction de Tudor en février 1941, mais le 17 juillet 1941 le Tribunal de Cassation accordait la tutelle de Marie-Antoinette Tudor, souffrant de maladie mentale depuis 191610 à Laval et à son ami Charles Libotte, l’ancien directeur général de l’usine sidérurgique de Rodange. Le prisonnier du Grund était donc devenu le maître absolu de l’entreprise. Pouvait-on laisser dans la main d’un homme accusé d’espionnage un outil indispensable pour la machine de guerre ? Le ministère de l’Économie se rallia à l’avis du Reichssicherheitsamt et ni Herbert Goering, ni Houdremont ou Goerens ne pouvaient plus rien pour lui.

En juillet 1942, Laval céda au chantage et donna par lettre l’ordre de vente à son cousin Marc Schaefer, directeur de la Sogeco. Laval n’était en effet pas le détenteur nominatif des actions qui lui appartenaient. Il fallait que la Sogeco donne son accord et elle ne pouvait le faire sans assemblée générale, ce qui prenait du temps. Pour ce qui concernait les actions de Marie-Antoinette Tudor elles ne pouvaient être vendues que par le tuteur officiel, Charles Libotte qui se trouvait à Bruxelles.

A ces obstacles juridiques s’ajoutaient les objections du responsable économique de la Zivilver-waltung qui s’opposa le 3 juin 1942 à une demande de rachat présentée par la Reichsbank puis à une autre demande du Reichswirtschaftsministerium. « Ich habe dies abgelehnt, da die Luxemburger Deutsche sind und die Geschäftsverbindung Sogeco-Tudor, insbesondere für die Nachkriegszeit von grosser Bedeutung für die Sogeco sein kann. »11 Il ne serait pas non plus d’accord que la société AFA domine complètement la Sogeco, « da wir in unserem Gau mit Konzernbetrieben unerfreuliche Erfahrungen gemacht hätten. »

L’Allemagne avait besoin des accumulateurs Tudor pour équiper ses sous-marins et elle avait besoin de la Sogeco qui achetait et vendait du charbon, des minerais, des huiles, des combustibles, du manganèse. Elle avait besoin de sociétés multinationales en cas d’accord de paix si elle voulait dominer le monde.

Le 7 mai 1943, Günther Quandt s’adressa directement à Albert Speer, le tout-puissant ministre de l’Armement, pour faire céder le Gauleiter. Il invoqua l’appui du ministre de l’Économie, du ministre de l’Aviation, du chef du Reichssicherheitshauptamt et du commandement militaire pour la Belgique et la France du Nord et mit en avant l’enjeu stratégique de l’opération : « Die Produktion des Werkes wird fast ausschliesslich an die deutsche Wehrmacht geliefert. Auf Anordnung des Herrn Reichsministers für Luftfahrt wurde vor kurzem auch die Reparatur von Flugzeugbatterien aufgenommen. »12 Dans le cas de la guerre totale, Speer misait sur l’autogestion patronale, ce qui avait pour résultat que la Wirtschaftskammer de Luxembourg était chargée du dossier et celle-ci était dirigée par Aloyse Meyer, le directeur général de l’Arbed.

Le 4 janvier 1944, Damien Kratzenberg, Landesleiter de la Volksdeutsche Bewegung adressa une lettre polie mais ferme au Dr. Münzel, Regierungsvizepräsident du Gau Moselland : « Es wird mir mitgeteilt, dass luxemburgische Besitzer von Aktien gezwungen wurden, diese ihre Aktien abzutreten an Altreichsdeutsche. Es wäre mir lieb, wenn ich den Interessenten nachweisen könnte, dass diese Maßnahme notwendig ist und dass sie auf einer rechtlichen Grundlage beruht. »13

En février 1944, la Gestapo de Luxembourg donna son accord pour la libération de Laval, toujours emprisonné à Dusseldorf, à condition que celui-ci ne puisse pas retourner à Luxembourg, craignant qu’un lien puisse être fait entre l’incarcération par la Gestapo et la tentative d’extorsion des actions Tudor par Quandt révélant les méthodes mafieuses du régime. Laval dut attendre jusqu’en avril 1945 pour pouvoir rentrer chez lui à Steinsel. Il avait gagné sa guerre pour le contrôle des sociétés Tudor et Sogeco. Il avait gagné aussi son procès pour l’attribution de la tutelle Tudor et il gagna son procès contre Prüm accusé à tort d’avoir causé son arrestation, mais il perdit le procès qui fut intenté à Günther Quandt en Allemagne. Grâce aux profits de guerre et au rachat de BMW la famille Quandt devint la famille la plus riche d’Allemagne.

Laval résista à sa façon, tout en collaborant quand il le fallait pour ses affaires. Il sut prendre des risques et s’adapter aux situations changeantes, évaluant les rapports de force et changeant d’alliances. Si Göring, Goebbels, Himmler n’ont pas réussi à se défaire de lui, c’est qu’il avait de puissants soutiens jusqu’aux plus hautes sphères du régime nazi, mais aussi parce que l’Allemagne avait besoin de ses services, en temps de guerre et en temps de paix.

1 ANLux,EPU Jt 128 et 082: Pierre Prüm, en particulier le dossier R 96: rapport Sûreté du 13.7.1946 avec copie de la brochure de PP : « L’erreur de justice à Luxembourg » et le dossier P : mémoire de P.P. du 23 avril 1947 avec en annexes I-IX les photocopies des pages occultées du rapport Zeidler
Henri Wehenkel
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