Francofolies

Des lendemains qui chantent

La foule des grands jours au Parc Gaalgebierg
Photo: KK
d'Lëtzebuerger Land du 16.06.2023

En suivant le chemin pédestre qui serpente en plein cœur du parc Gaalgebierg, on pense au film Midsommar (2019) écrit et réalisé par Ari Aster. Dans celui-ci, une bande d’étudiants américains en anthropologie est conviée à participer à un festival célébrant le solstice d’été dans un village reculé au cœur de la Suède. Leur arrivée au village, toute en poésie et en musique ne laisse en rien présager la suite des évènements qui seront dramatiques. Mais ne nous emballons pas, la comparaison s’arrête là, les hôtes eschois sont nettement plus bienveillants. Si on arrive avec un sentiment exagérément anxieux, c’est qu’on se remémore encore et encore la première édition « warm up » des Francofolies d’Esch en 2018, ignorée dans un premier temps et moquée de toutes parts dans un second. Mais ce temps semble révolu. L’an dernier, 15 000 festivaliers se sont pressés dans ce havre de verdure pour assister à des performances d’artistes à succès, convoités par n’importe quel promoteur. Et ce dimanche 11 juin, le festival affiche sold out.

Les nombreuses installations sur place, dans ce lieu qui sied parfaitement à ce type de manifestation d’envergure, nous rassurent et nous rendent même plutôt admiratifs du travail accompli par l’équipe organisatrice et par l’armada de bénévoles mobilisée. On entend au loin les échos de la chanteuse et comédienne Izïa Higelin qui se démène sur la main stage, victime de quelques couacs techniques et de la chaleur, pour lesquels elle présente ses excuses au public. La prestation est plutôt de bonne facture. Au nord du village festivalier, des mini-discothèques de quelques mètres carrés à peine offrent une alternative ludique aux fêtards. L’entrée d’un de ces espaces atypiques se fait par un passage argenté surveillé par deux lurons. Le premier est vêtu d’une veste de cowboy à franges et d’un tutu vert pomme. Le second d’un masque à antennes lui donnant un aspect d’insecte humanoïde. Une visite éclair dans cet établissement éphémère où la musique électronique à plein volume est couplée à des lumières stroboscopiques, laisse une forte impression malgré la chaleur étouffante des lieux.

Passée 19 heures, une foule en délire (rarement vue au Grand-Duché de mémoire de spectateur) acclame la pop star belge Angèle et sa troupe de danseuses et de danseurs. Leur spectacle, ultra chorégraphié et rodé par d’innombrables concerts, sera unanimement salué. De fait, il semble difficile de pointer quoi que ce soit de négatif sur le fond ou sur la forme. Angèle interprète une à une les compositions qui ont contribué à sa renommée et qui, qu’on le veuille ou non, font un peu partie de notre imaginaire collectif. Ta reine, Tout oublier, Oui ou non, Fever s’enchainent avant que la chanteuse appelle à mettre un terme au patriarcat avec son titre gentillet mais ultra catchy Balance ton quoi. La conclusion se fait avec sa déclaration d’amour à sa ville d’origine avec Bruxelles je t’aime. C’est un secret de polichinelle, mais il est admis que de nombreuses têtes d’affiche internationales sont souvent de passage par le Grand-Duché uniquement pour cachetonner entre deux dates de leurs tournées européennes. Dès lors, les spectateurs autochtones sont parfois mal lotis. Le point fort de ces Francofolies luxembourgeoises est qu’elles se déroulent en début de la saison des festivals d’été franco-belges et qu’elles offrent des conditions techniques et financières similaires à celles de manifestations culturelles bien installées. Tout ça pour dire qu’Angèle et l’ensemble des formations programmées ne sont pas là pour se moquer de leur public et on s’en félicite.

Sur la scène de la clairière, Disiz (anciennement Disiz La Peste) est en petite forme. Le rappeur caméléon, qui est passé par la plupart des styles musicaux répertoriés par l’espèce humaine, propose un set de morceaux pop et romantiques. La soirée se prolonge avec le concert tant attendu de Louise Attaque, culte groupe de rock français mené par Gaëtan Roussel et qui a fêté l’an dernier les 25 ans de son album éponyme, quasiment intégralement rejoué sur la grande scène. Leur hymne J’t’emmène au vent, joué à deux reprises est chanté en chœur. Les derniers sceptiques se laissent prendre au jeu, les nombreuses buvettes aidant. Ce dimanche de fête laisse présager des lendemains qui chantent pour les Francofolies d’Esch et ses 25 000 visiteurs.

Kévin Kroczek
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