Clément Davout le contemplatif, Marcin Sobolev l’impulsif. À voir la galerie Reuter Bausch

Insaisissables

Vue des œuvres de Marcin Sobolev
Photo: Samatha Wilvert
d'Lëtzebuerger Land du 12.04.2024

On peut suivre le travail de Clément Davout sur Instagram. Il le dit lui-même : « Dans l’environnement banal et immédiat » du réseau social, où on voit souvent des snap shots de ses tableaux dans l’atelier. Mais ensuite, il revient à l’exposition classique en galerie, pour ce qu’il appelle « une tension que produit cette démarche avec l’image (virtuelle) ».

On avait vu ses ombres de plantes photographiées de nuit et éclairées par derrière par la lumière d’intérieur l’année dernière dans une exposition collective à la galerie Reuter Bausch Les Couleurs de l’été. Cette fois, Clément Davout (né en 1993 à Flers, diplômé en 2017 de l’École des Arts et Medias de Caen-Cherboug), occupe toute la partie avant de la galerie, soit que ses œuvres sont vues directement derrière la vitrine donnant sur la rue Notre-Dame. Est-ce un clin d’œil à ses ombres de feuilles qu’il peint sorties de leur contexte ? Un travail « sur l’insaisissable » et « le choix de l’ombre » ? C’est toujours lui qui parle…

Mais cette fois, la lumière venues d’intérieurs de gens est remplacée par des éclairages naturels. Voici À fleur d’eau, une huile sur toile où on voit, illuminée par la densité violette et les reflets du soleil sur une surface aqueuse, la couleur très sombre de feuilles surnageant juste sous la surface de l’eau. Pareil pour Sous la voûte du ciel. C’est bien la lune qui « photographie » juste une branche de feuilles, tandis que le soleil lui les brûle dans le jaune incandescent de Les Nuits étaient devenues aussi chaudes que les jours.

Le glissement vers l’écologie se fait comme ni vu ni connu, puisque Clément Davout peint toujours de la même manière (cette production date de 2023), sur des formats presque carrés (environ 50 cm ou 80 cm), sauf un triptyque de trois mètres de long. Le sujet, ce sont juste trois extrémités de branches de bambou, d’un vert dense, qui dirait-on transpercent une matière bleue diaphane, aux tons changeants, allant presque jusqu’au rose. Davout aura ici mélangé les nuances directement sur la toile. Irait-il vers moins domestique et domestiqué ?

La promesse d’une belle journée, titre général de l’exposition, nous emmène ensuite dans un monde totalement différent, personnel et éloigné de nous, aux confins de la Russie, en Asie centrale. C’est celui de Marcin Sobolev, même s’il est né en 1981 en Belgique et vit et travaille à Bruxelles. Peintures et totems, tournent autour d’une pièce centrale. Un monument funéraire en miniature, en hommage à sa grand-mère, qui ancre Marcin Sobolev en Russie et en Pologne.

Il est vain de vouloir comprendre ses pièces par leurs titres, qui sont des numéros de série se terminant par l’année de réalisation. Les œuvres que l’on voit ici datent entre 2021 et 2024. La Ville de Dudelange possède plusieurs œuvres de Sobolev dans sa collection, acquises lors d’expositions en 2010, 2014 et 2017. On trouve dans La promesse d’une belle journée, quelques références à ces années-là : le chat de la grand-mère, des cailloux colorés, une branche d’arbre. Sobolev va souvent en Russie. À Moscou en particulier et en Asie centrale.

Il ne rencontre pas, là-bas, n’importe qui, mais des gens qui ont souffert du régime et ont dû fuir se cacher dans la nature, des punks, des marginaux. Lui-même y a fait de la prison pour avoir voulu montrer son travail. On retrouve tout cela sous forme de signes, dessinés, peints, graffés, sur les toiles de Sobolev. C’est comme le journal intime de quelqu’un qui s’exprimerait non pas avec des mots. Sur fond du blanc de la neige des longs hivers de là-bas.

Marcin Sobolev célèbre aussi la gaîté colorée des datchas et des yourtes, le doré des bulbes orthodoxes et la magie du chamanisme. C’est ainsi que s’élèvent ses totems, qui célèbrent la culture populaire, la magie divinatoire. L’ensemble fait voyager dans un monde onirique, y compris celui des animaux. Sobolev porte une attention particulière aux oiseaux. Il leur fabrique des nichoirs – dans son univers, on préfère dire des petites maisons.

Sobolev célèbre la vie des hommes et des animaux. A-t-on besoin d’en savoir plus pour se laisser envoûter ? Il suffit de regarder. Nous en aurons une autre occasion au mois de juin au Bridderhaus à Esch-sur-Alzette où il termine une résidence avec sa compagne Alix Van Ripato. Le duo promet cette fois une grande œuvre.

La promesse d’une belle journée, Clément Davout & Marcin Sobolev, est à voir jusqu’au 27 avril à la galerie Reuter Bausch
Marianne Brausch
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