Subventions aux bureaux comptables ?

Le cas GT Fiduciaire

d'Lëtzebuerger Land du 20.05.2010

Le groupe GT Fiduciaire n’est pas étranger à l’adoption du règlement grand-ducal du 9 mai 2010 sur les aides aux PME. Ce n’est peut-être pas un hasard non plus si la parution du règlement a coïncidé, à une semaine près, avec la « plaidoirie » devant le tribunal administratif d’un nouveau recours que cette fiduciaire a introduit contre un énième refus du ministre des Classes moyennes de lui octroyer des subventions.

Mercredi, la représentante du gouvernement n’a pas osé invoquer le nouveau règlement devant les juges administratifs. L’avocate de la fiduciaire aurait sans doute eu vite fait de l’envoyer dans les cordes, puisqu’un règlement grand-ducal ne peut pas agir de manière rétroactive et que sous l’ancien empire de la réglementation, rien n’interdisait à une fiduciaire ou plus préci-sément un bureau comptable de demander un coup de pouce public pour financer une partie de ses investissements.

En décembre 2008, le tribunal administratif annule une décision du ministre des Classes moyennes du 30 octobre 2007 qui avait refusé l’octroi de subventions. Alors que le délégué du gouver-nement évoquait le « pouvoir discrétionnaire » du ministre pour décider ou non de ses libéralités en faveur de certaines PME et parlait de risque de « distorsion de concurrence » par rapport aux avocats ou aux réviseurs si des bureaux comptables devaient bénéficier de subventions, les juges rappelaient qu’un pouvoir discrétionnaire d’une autorité administrative ne s’entendait pas comme un « pouvoir absolu, inconditionné ou à tout égard arbitraire », mais comme « la faculté qu’elle a de choisir la solution qui lui paraît pré-férable pour la satisfaction des inté-rêts publics dont elle a la charge ». Pas plus que les magistrats n’accor­daient de crédit à l’argument de distorsion de concurrence : « Cette considération, non autrement étayée que d’autres acteurs se partageant le même marché sont exclus du champ d’application de ladite loi, ne saurait valoir pour exclure d’office toute une branche de l’activité économique pour laquelle le législateur a cependant prévu la possibilité de l’inclure dans le champ d’application de la loi du 30 juin 2004 », précisait le juge-ment du 10 décembre 2008.

Le tribunal critiquait aussi implicitement la loi de 2004 (et ce qui était à l’époque sa liste interne des secteurs exclus), en puisant dans l’argumentaire de la Chambre de commerce. L’organisation patronale avait commenté le projet de loi 2004 et réclamé jus-tement que les Classes moyennes considèrent comme éligible au titre des aides « tout projet qui a des mérites et qui présente des garanties suffisantes de viabilité ». Un argument que la Chambre de commerce a d’ailleurs ressorti des tiroirs lors de son examen du projet de règlement grand-ducal, avant son adoption le 9 mai dernier. L’État luxembourgeois fit appel du jugement du 10 décem-bre 2008. La Cour administrative le confirma toutefois le 18 juin 2009. La demande de financement de GT Fiduciaire revint donc (par la force puisqu’il fallut nommer un commissaire spécial lors de la procédure) sur le bureau du ministre qui réitéra une nouvelle fois son refus le 26 octobre 2009. C’est donc reparti pour un tour des juridictions administratives.

Ce refus du ministre est allé contre l’autorité de la chose jugée, considèrent les avocats de la fiduciaire, dans leur troisième recours. Car le ministère, pour corser le dossier, aurait ajouté des conditions supplémentaires à l’octroi des aides, notamment celle de devoir affilier au préalable des salariés avant de réaliser des in-vestissements et de demander à l’État d’ouvrir le robinet pour les financer en partie (caractère uniquement incitatif des aides). Il y a là une « incohérence incroyable », a lancé l’avocate de GT Fiduciaire à l’audience, dans le fait de demander à une entreprise de d’abord recruter des salariés pour ensuite effectuer les inves-tissements et demander un soutien à l’État.

L’affaire a été prise en délibéré. La juridiction administrative ne s’impose pas de délai pour trancher.

Véronique Poujol
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