The Warrior of Beauty

La plus belle pour aller danser

d'Lëtzebuerger Land du 27.04.2012

Les Théâtres de la Ville donnent carte blanche à Sylvia Camarda pour un solo danse-théâtre intitulé The Warrior of beauty, dans lequel elle est chorégraphe et interprète. Sylvia Camarda y parvient à maîtriser l’expression du corps et l’expression verbale dans cette création pourtant très physique. Elle passe du verbe aux enchaînements dansés très naturellement en s’aménageant des pauses très courtes. Le rythme est bien trouvé et la durée d’une heure pour une telle séquence adaptée. Un bémol toutefois pour la scène – un peu longue – d’équilibres / déséquilibres avec les béquilles.

Deux dates programmées au théâtre des Capucins lors desquelles elle donne le maximum d’énergie dans une technique de danse si caractéristique des profils à expérience internationale. Lauréate du Lëtzebuerger Danzpräis en 2011, distinguant ainsi ses créations locales et son travail avec diverses compagnies internationales (Cirque du Soleil, les Ballets C de la B…), elle poursuit depuis plusieurs années son processus créatif.

Si ses créations antérieures interpellaient par leur originalité thématique et par leur côté frontal, The Warrior of beauty est un hommage aux femmes exceptionnelles auquel s’ajoutent des facettes autobiographiques. Une ambiance nettement plus mesurée et douce pour cette création. Exercice périlleux que de traiter d’un sujet si universel sur la beauté et la féminité. Traversée des temps (dépendance à la mère, anorexie, alcoolisme et drogue) et des saisons de femmes (jeunesse – vieillesse), les références sont diverses (Marlène Dietrich, Nelly Arcan etc.) et les tensions extrêmes entre l’image de soi et l’image qui doit être donnée. Pas de prise de tête sur le sujet – humour, gravité et moments touchants, Sylvia Camarda interprète parfaitement dans la justesse de son propos.

Dans un décor de loge d’artiste, entre un miroir, des paires de chaussures et des vêtements posés sur une tringle, le début se fait très intime et très lent sur un fond musical d’aria baroque, mais dans une atmosphère très fellinienne. Tour à tour des évocations de femmes prennent corps : la femme superficielle danse sur la valse n°2 de Chostakovitch avec son boa blanc, celle qui a besoin d’amour encore et toujours se meut sur l’Adagio for strings de Samuel Barber, très poignant à l’écoute. Puis, progressivement, la musique électro prend place avec une accélération dans des expériences corporelles plus radicales.

Pour cette guerrière de la beauté, Emre Sevindik utilise la Chevauchée des walkiries de Richard Wagner afin de valoriser l’acharnement esthétique sur le corps. Après les passages initiaux empruntant à des pas de cabarets de Broadway, place à la caricature de la danse classique dans ce qu’elle peut avoir de traumatisant pour le corps : posture, perfection, position, grand écart facial, latéral, grand battement de jambe avant… jusqu’à l’épuisement.

Miroirs, miroirs, dites-nous qui est la plus belle …et reflétez notre vraie personnalité… Certes, « il n’y a pas de fin, il n’y a pas de début, il n’y a que la passion infinie de la vie » (Fellini) mais enfin, « il n’est rien qui aille plus vite que les années » (Leonard de Vinci) !

The Warrior of beauty, chorégraphie et danse : Sylvia Camarda ; dramaturgie : Natalia Ipatova ; assistant danse : Jean-Guillaume Weis ; costumes : Laurie Lamborelle ; musique : Emre Sevindik et texte de Benny Claessens ; prochaine représentation : demain, samedi, 28 avril, au Théâtre des Capucins ; www.theatres.lu. Reprise en octobre au Théâtre d’Esch.
Emmanuelle Ragot
© 2024 d’Lëtzebuerger Land