Pauly, Robert: Provence

Faire de son rêve sa patrie

d'Lëtzebuerger Land du 17.04.2003

«Allez, Péquelé tire ! - Moi, je suis fatigué - Il n'y a pas un jour où tu ne sois pas fatigué, petit pieds. - Tu es né fatigué, voilà ce que tu es! - Il tire, il rate. - Fan de pute, elle était trop longue. - Trop courte. - Pas droite. - C'est le jeu de tirer à la rafle. - Il suffit pas de tirer. Il faut frapper. - On pointe alors». Voici un petit extrait de texte qui décrit une conversation assez humoristique entre des joueurs de pétanque. Robet Pauly vient de publier un «récit» sur son séjour en Provence, où il est allé s'installer dans un petit village, à Saint Siffret, à l'age de sa retraite, avec sa femme. Cet ouvrage a été publié à compte d'auteur par le biblio-service de l'imprimerie Saint-Paul, dont le but est de faire avancer la littérature luxembourgeoise. 

Sans que le lecteur ne s'en aperçoive, l'auteur traite des problèmes dûment philosophiques, par exemple «le projet ambitieux de faire d'un lieu de rêve une patrie. D'où me vient cette idée folle?», et il va démystifier plusieurs choses dans sa propre vie, mais tout doucement. Si vous n'aimez pas les malentendus, que vous préférez la paix, le raisonnement correct et les situations calmes, alors, lisez ce livre. Robert Pauly donne un sens aux petits actes, il essaie de donner sens aux petits enchaînements d'événements de tous les jours. L'humour est à l'ordre du jour. Le personnage, donc l'auteur lui-même, se retrouve parfois dans la situation de se demander sincèrement si l'on ne se moque pas de lui, voire de se demander: «est-ce bien là ma Provence?»  Alors, c'est son humour qui le sauve, lorsqu'il ne se prend pas trop au sérieux lui-même dans des situations un peu précaires. 

L'auteur nous fait découvrir tout le Sud, il pénètre au fond des «chemins de Jean Giono», le poète du Sud par excellence. Dans son récit, l'auteur nous dévoile la vraie philosophie du Sud, celle du «mensonge honnête», comme dit Albert, et celle du «vrai mentir», comme dit Yvan Audouard. Ou encore l'autre aspect typique du Sud: changer carrément de sujet pour éviter une discussion qui pourrait mal tourner.

Robert Pauly nous raconte ses histoires à travers les personnages qu'il décrit et qu'il laisse raconter eux-mêmes, des histoires comme celle d'un homme qui coupait le bois pour la meule à charbon. Quand il dormait dans la forêt, de temps à autre, son repas se constituait d'un oignon cru, d'un quignon de pain et de quelques olives! Ces gens-là pouvaient aussi bien par la suite manger et boire pendant des jours, lors d'une fête populaire par exemple. 

Ce roman-récit se présente de par le choix des mots aux connotations parfois robustes, parfois très douces, dans un français finement  élaboré, bien façonné et présentant en même temps l'aspect du «parler léger» du Sud. Et puis, en fin de compte, c'est surtout l'expérience personnelle de Robert Pauly qui captive.

 

Robert Pauly: Provence - Patrie de rêve, récit, Luxembourg 2003; 130 pages, 14,90 Euros; ISBN : 2-87996-898-4.

 

 

Carmen Heyar
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