Les fonctionnaires luxembourgeois peuvent remercier les fumeurs des pays alentours. L’augmentation de leur traitement de 2,5 pour cent sur deux ans présentée mercredi par le ministre de la Fonction publique, Serge Wilmes (CSV), est à comparer à celle des droits d’accises perçus sur les ventes de paquets de clopes. Pour les 37 500 fonctionnaires des ministères et de l’administration, elle équivaut à un montant global de 195,5 millions d’euros. Les accises sur le tabac progressent de 172,6 millions d’euros entre 2023 et 2024, selon les chiffres annoncés mardi par le ministre des Finances, Gilles Roth (CSV). « Une situation financière plus favorable pour mieux affronter les défis d’aujourd’hui et de demain », titrait la rue de la Congrégation pour son communiqué présentant les tendances favorables au niveau des recettes, avec une hausse de treize pour cent sur un an.
Les accises sur le tabac augmentent de 17 pour cent donc. À 1,2 milliard, elles talonnent les sous générés par la taxe d’abonnement (prélevée sur les avoirs des fonds d’investissement) qui, à 1,3 milliard, augmente de huit pour cent. Loin derrière le premier revenu de l’Enregistrement qu’est la TVA à 5,8 milliards, laquelle augmente de quinze pour cent. Les principales recettes de l’Administration des contributions directes restent les prélèvements sur les salaires, à 6,6 milliards avec neuf pour cent d’augmentation en un an. L’impôt sur les collectivités (entreprises) signe la plus forte hausse en volume en comparaison annuelle avec 853 millions glanés pour atteindre 3,4 milliards d’euros de recettes. En contraste avec une baisse des droits d’enregistrement de vingt pour cent (-46 millions d’euros) par rapport à 2023, année durant laquelle ils avaient déjà chuté de 45 pour cent (-253 millions), stigmate de la crise immobilière. Avec une augmentation de 33 pour cent, les impôts sur les revenus de capitaux ont eux franchi la barre du milliard (1,1) et suivent de près les recettes de l’impôt sur la fortune.
Les dépenses progressent aussi avec seize pour cent de plus de prestations sociales (dont le chômage et le Revis) qui passent de 2,3 à 2,7 milliards d’euros. Loin derrière le plus gros poste de l’État providence que sont les pensions, la caisse maladie et les allocations familiales (par voie de transfert), en augmentation de huit pour cent (829 millions), culminant à 11,4 milliards d’euros. S’ajoutent 6,9 milliards de rémunération des salariés de l’administration centrale. En tout le solde de cette dernière (déficitaire de 600 millions l’an passé) progresse de 948 millions et atteint ainsi un excédent de 317 millions.
Ce montant vanté mardi va en réalité intégralement partir en fumée dans l’augmentation de la fonction publique présentée mercredi. Car celle-ci va être transposée aux salariés de l’État qui ne dépendent pas du ministre Wilmes, comme ceux des communes (Léon Gloden, CSV), de la sécurité sociale (Martine Deprez, CSV) ou encore des établissements publics (qui ont leurs ressorts ministériels respectifs). Circule le chiffre officieux de 60 000 personnes concernées (le corps électoral pour le renouvellement de la chambre des fonctionnaires et employés publics). Une fois l’accord transposé dans tous les secteurs publics, la rue de la Congrégation s’attend à un quasi-doublement du coût annoncé mercredi, soit autour de 350 millions d’euros sur deux ans.
À la Chambre, selon les échos rapportés par les radio RTL et 100,7, l’on juge « raisonnable » l’accord touchant un quart du corps électoral. L’éditorial de Roy Grotz sur rtl.lu est un peu plus nuancé. Après avoir flatté le travail des fonctionnaires, le rédacteur en chef de la radio de service public parle d’un « apartheid social » généré par ces séries d’accords, avec quarante pour cent d’une masse salariale de 4,9 milliards d’euros (ministères et administration) gagnant plus de 10 000 euros par mois qui s’oppose à une grande partie du secteur privé, lequel se bat pour préserver des acquis comme la retraite, les conventions collectives ou même le repos du dimanche. Précisons ici que l’accord salarial prévoit (en autres mesures) une augmentation du montant maximal éligible pour bénéficier de la subvention d’intérêts (de 150 000 à 400 000 euros), ainsi que sa durée (de quinze à 25 ans). La crise immobilière, pas pour tout le monde.