Contamination au PER à la Pulvermuhle

Animal Farm à la sauce luxembourgeoise

d'Lëtzebuerger Land du 26.03.2004

Juste à temps pour le cirque de la campagne électorale, voilà la nouvelle adaptation de cette fable, en version luxembourgeoise, traitant si bien la basse-cour de notre milieu démocratique et surtout le dysfonctionnement de l’appareil administratif.
« Loft Story », l’histoire sur la pollution au perchloréthylène à la Pulvermuhle, publiée pour la première fois au Lëtzebuerger Land (7 novembre 2003) est loin d’être terminée. En dénonçant une pollution sur le territoire de la ville de Luxembourg, voulant ainsi réaliser le rêve d’un monde démocratique encadré d’une justice équitable, la société D.S. Corporation s.a. fait face à un ballet d’incohérences et de contradictions de la part des comrades des ministères de l’Environnement, de la Santé et du Travail.
Il semble difficile de déterminer qui, selon la loi en vigueur, est tenu de suivre des procédures de commodo/incommodo : le propriétaire, exploitant son site d’une surface globale supérieure à 1 200 m2 par la mise en location de ce site comme bureaux, alors que ce dernier est toujours classé sous site industriel ou tout prestataire de services (banques, fiduciaires etc.), prenant en location des bureaux dont la surface est largement inférieure aux susdits 1 200 m2, pour y exercer son activité.
En effet, lors d’une première réunion du 8 août 2003, le comrade-directeur de l’ITM somme les représentants du propriétaire de produire le document de l’autorisation commodo/incommodo. Or, le 24 octobre de la même année, dans un courrier des comrades de l’Environnement, c’est au tour des deux locataires, considérés comme exploitants, d’être sollicités de fournir ce même document. Ensuite, par la mise en demeure (sous la tutelle du ministère de l’Environnement) du 12 novembre 2003, la balle passe de nouveau du côté du propriétaire qui doit fournir l’autorisation pour finalement revenir à D.S. Corporation (le deuxième locataire n’étant, comme par hasard, plus concerné) dans un courrier du 3 mars 2004 émis par la même administration.
Par ailleurs, les comrades des administrations ne connaîtraient-ils pas de vraies lacunes quant au classement de leurs dossiers et ne souffriraient-ils pas de pertes de mémoire ? En effet, jusque là, ils ont toujours confirmé qu’aucune demande de cessation d’activité n’avait été introduite par l’exploitant du nettoyage à sec. Or, par un joli coup de baguette magique, dans la réponse du 2 mars 2004 à la deuxième question parlementaire de Jean Huss (Les Verts), ils sortent du chapeau une lettre « qualifiée » de demande de cessation d’activité, le tout avec effet au 4 septembre 2003.
Idem pour l’autorisation d’exploitation de l’ancien propriétaire, exploitant le nettoyage à sec. Après une période d’amnésie, les comrades se souviennent finalement (réponse du 2 mars 2004 à la question parlementaire de Jean Huss) d’une introduction de demande commodo/incommodo et même d’une autorisation délivrée en 1995 de la part du ministre ayant eu le travail dans ses attributions.
Et lorsque la mémoire ne revient pas, les comrades jouent le joker : « une réponse ne peut être fournie que par les responsables d’antan »
Pour enterrer le problème de la santé, qui est d’ailleurs le problème central, on se sert de valeurs limites utilisées dans le secteur industriel, non applicables dans le cadre de prestataires de services où les gens sont exposés au produit toxique d’une manière chronique au moins huit heures par jour et sans précautions spéciales de sécurité. Le pouvoir cancérigène est considéré comme « négligeable ». Le comrade-directeur de l’ITM déclare même à la radio 100,7 en date du 28 novembre 2003 qu’aucun médecin ne lui aurait signalé qu’il y avait danger pour la santé des employés. Or, en date du 10 juillet 2003, le médecin du travail, qui avait immédiatement éloigné les femmes enceintes du site, a informé ses supérieurs hiérarchiques du fait que la santé des travailleurs n’était plus garantie selon la loi.
Finalement, jusqu’à présent, le seul résultat de toutes les démarches effectuées par les locataires dans le but de protéger la santé de leurs employés, est celui que les locataires, quoique non responsables de la pollution, en ont subi toutes les conséquences et les seules actions envisagées par les autorités jusqu’à présent, sont dirigées contre les locataires plutôt qu’à l’encontre du propriétaire-exploitant ou de l’ancien exploitant-pollueur. Suivant la politique des « deux poids et deux mesures », mise à jour dans le cas présent, il est permis à un exploitant de nettoyage à sec de ce faire sans autorisation préalable et, dans la logique de ce qui précède, d’arrêter ses activités sans en faire les déclarations requises et sans procéder à une décontamination du site. De plus, il est permis à un propriétaire-exploitant de donner les mêmes lieux en location comme surface de bureaux (1 400 m2), sans se conformer à la procédure de commodo/incommodo et surtout, sans décontaminer le site.  Les promesses de prononcer la fermeture administrative du site et de procéder à des expertises du sol sont, à ce jour, restées sans suite …
« All animals are equal but some animals are more equal than others » (George Orwell: Animal Farm; 1945) Eliane Irthum et Sylvie Theisen, alias Les D.S. de Pulver « Müll »

Véronique Poujol
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