Adieu paradis fiscal et bancaire, bonjour le paradis bancal ! Aujourd’hui, il n’y a plus guère que les étrangers pour penser que le grand-duché reste un pays de cocagne et les socialistes pour croire que le trésor du pays est celui de Crésus. La crise des années 70, que d’aucuns qualifièrent de crépusculaire, nous a fait hériter d’un pays où les nationaux sont (pré)retraités et fonctionnaires et où les travailleurs sont étrangers et frontaliers. C’est là l’œuvre de la tripartite dont le nom même, avec sa terminaison en -ite, laisse entendre que c’est une maladie inflammatoire, à l’instar d’une vulgaire arthrite, hépatite ou autre appendicite.
Nos institutions souffrent donc de la tripartite quand elles pensent que chaque crise, sidaïque ou sidérurgique, mérite une trithérapie, c’est-à-dire un remède administré par les trois docteurs du gouvernement, du patronat et des syndicats. Quel n’a été l’étonnement courroucé de votre serviteur quand il a appris que bon nombre de ses compatriotes pensent que l’échec de cette tripartite appelle des élections anticipées. Jusqu’ici Yvan pensait naïvement que dans une démocratie parlementaire les choses publiques se réglaient dans l’enceinte de la Chambre des députés, sanctionnée elle par le suffrage universel, alors que la tripartite n’est jamais qu’une foire d’empoigne entre lobbyistes du patronat et groupes de pression des salariés, arbitrée tièdement par le gouvernement.
Pour remédier à la crise, notre primus ante pares s’est décidé à convoquer ses pairs, les pères et les grands-pères de la tripartite, à réunir en somme un comité des singes, pardon des sages, à moins que ce ne soit un comité des orphelins comme l’a laissé entendre, non sans un malicieux lapsus, notre bien aimé rédacteur en chef. « Nul n’a la chance de naître orphelin », avait coutume de dire un de mes maîtres en psychiatrie. Mais de qui la malheureuse tripartite va-t-elle donc être orphelin ? De l’actuelle coalition que même l’opposition n’ose espérer moribonde, de peur de devoir prendre sa place ?
C’est le moment que choisit Nicolas Schmit (qu’on a connu plus diplomate, à moins que) pour faire le grand écart entre l’amour des postes de ses collègues et la haine des classes de ses électeurs. Mais peut-être que le ministre du travail, homme du Sud et parachuté de la Moselle, pense-t-il que d’aucuns dans le parti ont mangé leur pain blanc et qu’il pourra donc commencer à boire son petit vin blanc, à moins que ce ne soit du petit lait. Ou alors va-t-il se couvrir, comme certains le souhaitent, la tête de ces cendres qui ont empêché Juncker et Frieden, bloqués à Madrid, de lui répondre du tac au tac ? Enfin de retour au pays, et prenant acte de la cacophonie gouvernementale tout comme de la mauvaise volonté des syndicats (ou de leur détermination martiale, ça dépend des points de vue), le Premier ministre a trouvé des accents, sinon gaulliens du moins d’Ancien Régime. En envoyant les différents états dans les cordes, il a tout simplement proclamé : L’État c’est moi !