Un labrador blanc s’élance sur le chemin, surexcité par les jappements de ses congénères en contrebas. Un homme en veste de cuir le suit tant bien que mal. Son compagnon sautille, enroule sa laisse autour de ses jambes tandis qu’il tente de sortir sa carte d’adhérent au Hondsclub de Gasperich. Jos Patrissi, président du club de sport et de dressage canin, saisit la laisse de l’animal et le tient contre lui ; le chien se calme immédiatement. « Le problème au début, c’est souvent le maître, glisse Jos Patrissi. Il faut être ferme et constant, sinon le chien vous prend pour un imbécile ». L’homme sait de quoi il parle : multiple champion du Luxembourg déjà classé parmi les dix meilleurs mondiaux en IGP (sport canin comportant les disciplines d’obéissance, de pistage et de protection), il dirige le club depuis 1993.
Si les entraînements pour les sportifs ont lieu les soirs en semaine, aujourd’hui place au dressage, comme chaque dimanche matin sur un terrain proche du Parc du Ban de Gasperich. Environ 140 chiens de toutes races, tailles et âges, accompagnés de leurs maîtres, sont encadrés par des entraîneurs bénévoles. Des espaces dédiés sont consacrés à chaque niveau : chiots à partir de deux mois, débutants, pré-avancés et avancés. Les chiens dits « de liste », susceptibles d’être dangereux, ont été pris en charge plus tôt ce jour-là. Le cours pour les avancés a fière allure : les canidés se côtoient à bonne distance de leurs maîtres, qui déambulent autour d’eux ; pas un poil ne bouge. « L’idée centrale est de travailler sur l’obéissance pour une bonne sociabilité du chien avec ses congénères, avec son maître et avec les autres humains », précise Jos. À chaque exercice réussi, viennent une petite friandise et des félicitations. « Il faut mettre l’animal en confiance, être patient et le récompenser », ajoute le président tandis qu’un chien s’échappe et passe à toute allure devant nous. « Allez, on l’attrape ! » encouragent les entraîneurs. Après avoir enchaîné les positions debout-couché-assis, les animaux s’élancent sur un parcours avec obstacles, tunnel et poutre à quelques centimètres de terre. Perchés sur celle-ci, certains chiots ne semblent pas rassurés, mais maîtres et entraîneurs les accompagnent, parfois en les portant à moitié : il n’est pas très naturel pour eux d’évoluer au-dessus du sol, nous explique-t-on.
Le Hondsclub Gasperich compte plus de mille adhérents venus de tout le Luxembourg et des régions frontalières. Plusieurs d’entre eux sont des habitués, à l’image de Constant : Thy, son bouvier bernois, est le sixième chien qu’il emmène au Hondsclub. « On a deux bouviers, on veut pouvoir les prendre avec nous partout, en vacances, au restaurant... pour cela il faut qu’ils sachent se tenir en société », explique-t-il. Walter, lui, aime faire son footing avec son berger australien. « Ça aurait été impossible sans dressage car c’est une race têtue, indique le maître. Je n’imaginais pas que ce serait autant de travail, encore plus qu’avec un enfant ! ». Chantal, qui venait auparavant pour le dressage de ses propres compagnons, est désormais entraîneuse pour le club. « J’ai voulu aider les autres à mon tour en leur apprenant à être davantage en harmonie, raconte-t-elle. Ça peut être salutaire pour leur relation ». On nous confie que les cours du Hondsclub ont pu sauver des chiens qui paraissaient irrémédiablement agressifs, notamment du fait de la génétique. Mais l’agressivité naturelle est très rare, elle est due la plupart du temps à des habitudes intégrées à cause d’une mauvaise éducation. Dans tous les cas, il n’y a pas de recette unique : seule l’expérience permet de repérer les problèmes.
Le cours des chiots s’achève, on les lâche en liberté sur le terrain. Le spectacle de ces petites boules de poils qui se sautent dessus joyeusement atteint des sommets de mignonnerie. Même après avoir côtoyé des milliers de chiens, Jos Patrissi est attendri. « Dans les années 1990, l’amour n’avait pas vraiment sa place dans le dressage... Aujourd’hui, ça ressemble davantage à l’éducation positive pour les enfants, même si la discipline reste très importante, indique le président. Il faut des règles, mais aussi de l’amusement ! Tout le monde devrait suivre quelques séances : ça rend le chien et son maître plus heureux ».